Aujourd’hui l’organisation des élections sincères et fiables présente un enjeu primordial tant sur le plan interne qu’international. Sur le plan national, les peuples admettent aujourd’hui difficilement que leurs gouvernants soient choisis par des procédés autres que ceux électoraux. Sur le plan international, les élections régulières et transparentes constituent un moyen par lequel on classe et déclasse les Etats dans la communauté internationale. Cette nouvelle donne oblige les Etats défaillants en matière électorale à s’inscrire non dans une perspective d’abandon des élections comme moyen de désignation des dirigeants mais dans une dynamique de réforme électorale.
Consacré tant par les textes constitutionnels que par les prescriptions de la communauté internationale, le recours aux élections n’est pourtant pas aujourd’hui sans rencontrer des réserves et susciter des appréhensions. Les difficultés semblent parfois empirer si l’on en juge par la gravité des crises liées à l’organisation de récents scrutins. Les critiques des élections africaines se multiplient et, souvent exprimées en termes vifs sinon virulents, instruisent des procès sans appel.
Il se révèle alors que, dans la pratique, l’élection libre et honnête semble démentie dans nombre de pays d’Afrique noire francophone. Malgré l’avancée normative et sur le plan pratique dans une moindre mesure, il existe un écart avec la réalité. Cette situation justifie qu’on se pose la question suivante : pourquoi les élections africaines riment avec crises et violences politiques ?
À y voir de près, les élections organisées en Afrique noire francophone ne revêtent pas les mêmes aspects que celles des grandes nations démocratiques. Faites d’irrégularités et de fraudes, les élections en Afrique ne constituent pas un moyen crédible de promotion des alternances démocratiques et politiques. Dans bon nombre de pays africains, les consultations électorales se soldent généralement par des contestations parfois violentes que l’on justifie par les lacunes qui auraient entaché leur déroulement. N’entend-on pas souvent des acteurs s’écrier : « c’est la mascarade électorale » ; « il y a tripatouillage » ; « c’est la pagaille, on a volé nos voix, notre victoire » ; « c’est un hold-up électoral » ; « ce sont des élections en trompe-l’œil » ; etc. Cette situation proviendrait des irrégularités et fraudes savamment orchestrées par le pourvoir en place pour faire échec à l’alternance par les urnes.
Les heurts et malheurs des élections en Afrique trouvent leurs justifications dans l’incohérence des normes et institutions électorales d’une part et le comportement de l’électeur africain dont le choix semble être lié à sa communauté d’origine d’autre part.
Le sujet est intéressant à un double point de vue. Au plan institutionnel, il s’agit de l’analyse d’une institution fondamentale de la démocratie. « Nul gouvernement n’est légitime si son autorité et ses fonctions ne découlent pas du consentement des gouvernés ». La manifestation de l’adhésion du peuple, titulaire de la souveraineté, à l’exercice du pouvoir politique, implique que les gouvernants soient légitimés au moyen des élections.
Constat fait, les élections en Afrique créent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent. Il suffit d’analyser les crises électorales et postélectorales pour s’en rendre compte. Les élections sont sources de violences et parfois plus meurtrières que les grandes pandémies au point où l’on se pose la question de savoir si cela vaut la peine. Alors, l’élection en tant que moyen de légitimation, mérite une cure profonde dans notre continent en général et dans l’espace francophone en particulier.