Cameroun : conflit à l’horizon ?


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International Crisis Group vient de publier un rapport accablant sur la situation politique au Cameroun. Accroissement des inégalités, mauvaise gouvernance, abus de droits de l’homme, mise au pas de l’opposition pourraient constituer : selon l’Ong, le pays risque d’être secoué par des violences à l’approche des élections présidentielles de 2011.

Mauvaise gouvernance, érosion de l’espace démocratique, opposition minée par les dissensions, chômage et inégalités en hausse constante : à en croire un rapport de l’ONG International Crisis Group, publié mardi 25 mai, l’éventualité d’un conflit ouvert au Cameroun n’est pas à écarter. Intitulé « Cameroun : Etat fragile ? », ce document de 45 pages, dont les auteurs disent s’être appuyés sur des analyses de terrain, affirme que sous la stabilité apparente du Cameroun couvent des tensions qui pourraient se faire jour à l’approche des élections présidentielles de 2011 : «Un changement de président est l’évènement le plus susceptible de provoquer l’étincelle. Le risque est particulièrement important, puisqu’après n’avoir connu que deux présidents en cinquante ans, beaucoup ont le sentiment que le prochain titulaire restera longtemps au pouvoir. Les enjeux pourraient difficilement être plus grands. » Selon cette étude, les facteurs potentiels d’explosion au Cameroun trouvent leurs racines dans l’histoire récente du pays. Le rapport cite l’exemple de l’épisode de la violente répression qui a suivi la tentative coup d’Etat manquée contre le président Paul Biya en 1984, et dont ont été accusés les partisans de son prédécesseur Ahmadou Ahidjo. « Elle est violemment réprimée, et n’est suivie d’aucun processus de réconciliation, et le traumatisme de cette époque demeure une source d’amertume parmi beaucoup d’habitants du Nord, la région d’origine d’Ahirdjo », regrettent les auteurs.

Désirs de vengeance

En fait, le pays présente depuis les années 1950 un schéma de blocages suivis de crises. La plus récente remonte à février 2008 quand des émeutes éclatent à Yaoundé, Douala, Bamenda et dans d’autres grandes villes pour protester contre le projet du président Biya d’amender la constitution pour abolir la limitation des mandats présidentiels, ainsi que la montée des prix des denrées alimentaires et de l’essence. Cette situation qui « témoigne d’une rigidité dans les relations entre l’Etat et la population (…) laisse présager des difficultés à surmonter les futurs défis », peut-on encore lire sur le document.

Le rapport s’inquiète en outre de la situation des droits de l’homme dans le pays, pointant des abus fréquents commis par les forces de sécurité sous couvert de lutte contre la criminalité. « Des abus sont souvent commis pour extorquer de l’argent à la victime ou à sa famille, et les membres des forces de sécurité jouissent d’une grande impunité. Dans un tel contexte, les rancoeurs persistantes (…), les expériences de torture et les désirs de vengeance risquent de devenir de nouveaux facteurs de conflit à l’avenir ».

Le rapport de Crisis Group indique par ailleurs que depuis les années 1970, les emplois stables se sont considérablement réduits, tandis que le nombre de personnes très riches a augmenté : « Ce fossé grandissant entre les classes sociales et la perception que la richesse et le succès ne dépendent plus du talent ou du travail mais plutôt de la chance et des connexions politiques ont un impact très négatif sur le tissu social ».

Le nécessaire changement

L’Ong dresse un portait sombre de la situation générale au Cameroun. Selon elle, le projet de construction de la nation part en lambeaux, et l’opposition, faible, morcelée, systématiquement qualifiée par le pouvoir de subversive et illégitime, peine à canaliser la colère croissante de la population. Selon le rapport, même si le Cameroun peut faire face aux risques de tensions à court et moyen terme, la situation à plus long terme a de grandes chances de se détériorer. Pour éviter un tel scénario, le régime et les élites dirigeantes gagneraient à construire les fondements d’une réelle démocratie, et ne plus s’en tenir uniquement à ses aspects formels. « Sans ce changement de fond, le fossé entre les attentes de la population et le refus du régime d’opérer des changements pourrait s’avérer insoutenable, même pour la stabilité tant vantée », conclut le rapport.

Fondée en 1995 par un groupe de diplomates, l’International Crisis Group s’attache à prévenir et résoudre les conflits meurtriers dans le monde en procédant à des enquêtes et analyses de terrain assorties de recommandations à destination des décideurs. « Cameroun : Etat fragile ? » est le premier rapport que l’Ong réalise sur la situation de ce pays.

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