Paul Biya devrait selon toute logique solliciter un nouveau mandat en octobre. Il a déjà fait modifier la constitution du Cameroun pour pouvoir se représenter. Son parti, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) tiendra deux congrès en juillet pour officialiser sa candidature. Le contexte international acquis à l’alternance ne lui est pas favorable.
Paul Biya candidat à sa propre succession? Alors que le débat sur la constitutionnalité de sa participation à l’élection présidentielle qui devrait se tenir en octobre oppose les spécialistes camerounais des lois électorales, le chef d’Etat avance silencieusement ses pions. Objectif: se faire réélire à la tête de son parti, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), poste qui de facto fait de lui le candidat naturel du mouvement. Selon le quotidien Mutations qui reprend un article de La Lettre du continent, un bulletin confidentiel basé à Paris, le Rdpc organisera en juillet non pas un, mais deux congrès. Ces deux instances dont l’une sera qualifiée d’extraordinaire serviront de cadres à la remobilisation des militants du parti et au choix de son représentant à la course pour la magistrature suprême.
L’annonce des deux congrès vient s’ajouter à de nombreux autres autres indices qui laissaient déjà entrevoir une candidature de Paul Biya. Fidèle à sa stratégie, le président s’est fait régulièrement décerné des motions de soutien tant par les élites villageoises que par certains milieux intellectuels, depuis l’année dernière. Une des plus récentes de ces motions, attribuée à près d’un millier d’enseignants du supérieur a déclenché une vive polémique sur la régularité des signatures, dans le milieu universitaire. Baptisée « déclaration de déférence et de profonde gratitude » envers Paul Biya, cette motion publiée sur quatre pages dans Cameroon Tribune, le quotidien d’Etat, a été contestée par de nombreux enseignants, selon lesquels leurs noms y auraient été arbitrairement ajoutés, pour gonfler la liste des signataires et donner l’illusion d’un quasi-consensus.
Pour La Lettre du continent, l’affaire est pliée: Paul Biya sollicitera un nouveau mandat présidentiel. « Cameroun : Deux congrès du Rdpc pour fêter Biya ! Arme de guerre électorale, le Rdpc organisera deux congrès en juillet pour valider la candidature de Paul Biya. Les troupes sont déjà mobilisées », peut-on lire dans le N°613 du confidentiel, daté du 9 juin 2011.
Limitation des mandats
Cependant, il n’y a pas que des enseignants pour ne pas vouloir donner leur caution à une éventuelle réélection de Paul Biya. Le plus grand débat qui oppose constitutionnalistes et observateurs avisés de la scène politique camerounaise concerne la légalité de sa candidature. Ceux qui pensent qu’il ne doit plus se représenter font observer que la constitution de 1996 limite à deux, le nombre de mandat présidentiels. Selon eux, Paul Biya qui avait lui-même inspiré cette limitation est désormais hors course, car il achève cette année son deuxième mandat depuis cette réforme de la constitution. Dans le camp d’en face, on reproche à ceux-ci de manquer de mémoire. En 2008, alors que le Cameroun était secoué par les émeutes de la faim, Paul Biya avait fait modifier la modification constitutionnelle de 1996 pour faire sauter le verrou qu’il avait lui-même mis en place douze ans plus tôt, pour freiner son ardeur à s’éterniser au pouvoir (lire ci-dessous, l’interview de Pierre Mila Assouté).
L’hostilité de la communauté internationale
La rue camerounaise en est convaincue: Paul Biya n’organise pas d’élection pour perdre. Alors que les candidatures, nombreuses comme d’habitude se profilent à l’horizon, le président sortant ne pourrait au final n’avoir pour seul adversaire véritable que la communauté internationale, de plus en plus hostile au modèle de président à vie. De Washington à Paris, des voix, même partiellement étouffées par le langage et les attitudes diplomatiques le pressent de rendre le tablier. Dans un message adressé au président camerounais, le 20 mai, lors de la célébration de la fête nationale de son pays, Hillary Clinton, la Secrétaire d’Etat américaine lui a ainsi rappelé l’aspiration de ses compatriotes à des élections libres, transparentes et équitables. Toutes les initiatives engagées par Paul Biya pour rencontrer la patronne de la diplomatie américaine ont jusqu’ici échouées. De son côté, Nicolas Sarkozy, le président français qui dans ses premiers discours sur les relations franco-africaines avait promis la rupture, éviterait de recevoir Paul Biya.
L’ancien Secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan, etait allé plus loin il y a trois ans, en suggérant au locataire du palais d’Etoudi (Yaoundé) de ne pas se représenter. « Personne ne peut me convaincre qu’au Sénégal et au Cameroun il n’y a qu’un seul leader capable de gouverner. J’ai été clair quand cela est arrivé au Nigeria, au Sénégal et bien sûr au Cameroun. Je connais bien les deux leaders et je pense qu’il n’est pas dans leur intérêt ni dans celui du peuple de s’accrocher », avait-il déclaré en 2008, dans une interview à BBC. Paul Biya entendra-t-il cette voix du bon sens ?
Pierre Mila Assouté : Nous allons mobiliser le peuple Afrik.com: Comment expliquez-vous le silence de Paul Biya sur la date de l’élection présidentielle? Afrik.com: Il y a actuellement au Cameroun un débat sur la participation de Paul Biya à cette élection. A-t-il encore le droit de se représenter? Afrik.com: Peut-on croire que la prochaine élections serait plus transparentes que les précédentes? Afrik.com: Dans ces conditions, n’est-ce pas vouloir faire de la figuration que de se porter candidat? |