Après avoir été condamnés à cinq ans de prison ferme pour leur homosexualité, deux jeunes camerounais ont été acquittés lundi en appel par le tribunal de Yaoundé. Pour l’avocate Alice N’kom, présidente d’une association de défense des droits de l’Homme, ce sont les dirigeants qui ne sont pas prêts à accepter les homosexuels pas les populations qui sont victimes de manipulation.
Francky et Jonas sont enfin libres. Les deux camerounais âgés de 23 et 25 ans ont été déclarés non coupables lundi en appel par le tribunal de Yaoundé. Ils avaient été condamnés en première instance à cinq ans de prison ferme pour leur homosexualité et s’étaient aussi vus infliger une amende de 200 000 Fcfa (soit 300 euros). Au Cameroun, le code pénal condamne toute personne ayant des rapports sexuels avec une personne de même sexe de six mois à cinq ans d’emprisonnement ferme et d’une amende de 20 000 (soit 40 euros) à 200 000 Fcfa.
Les deux jeunes hommes avaient été arrêtés en compagnie d’un troisième homme. Selon la police, ils ont eu des rapports sexuels à bord d’un véhicule dans le quartier Essos, à Yaoundé, en juillet 2011, et ont été inculpés de « faits d’homosexualité ». Le troisième homme en question avait été condamné en même temps que Jonas et Franky mais n’était pas présent lors du procès en première instance et ne figurait pas dans la procédure en appel, selon l’AFP.
Appel à la haine
Les organisations de défense des homosexuels au Cameroun, elles n’espéraient pas un tel dénouement pour Francky et Jonas. « Cette décision est un tournant », même s’il reste encore beaucoup à faire pour assurer les droits des homosexuels », affirme Maître Alice N’kom, avocate active dans la défense des droits des homosexuels et présidente de l’Adefho, contactée par Afrik.com. Selon elle, les homosexuels représentent 10% de la population. Mais de nombreuses personnes homosexuelles ou soupçonnées de l’être sont toujours incarcérées dans les prisons camerounaises. Elles seraient près de 200 à être interpellées chaque année.
Pour Alice N’kom, « ce sont les dirigeants qui ne sont pas prêts à accepter les homosexuels pas la population ! Il faut modifier la législation ! Il y a une violation grave autour de la pénalisation des homosexuels », fustige-t-elle. Le plus grave, selon elle, « C’est que le code pénal rédigé en 1965 et 1967 n’a jamais prévu cette loi. C’est le président camerounais qui a écrit seul la législation en vigueur contre les homosexuels en septembre 1972. Le chef de l’Etat n’a pas à faire les lois ! C’est au Parlement que revient cette tâche! Or cette loi n’a jamais été discutée à l’Assemblée ! »
Les homosexuels parmi les plus démunis
Il y a aussi une réalité beaucoup plus sournoise qu’il faut prendre en compte, estime Alice Nkom. « Les autorités religieuses incitent les populations à s’en prendre aux homosexuels, affirmant qu’elles commettent des crimes contre l’humanité. Certains Camerounais répondent à ces appels à la haine, croyant être du bon côté de l’histoire. C’est une manipulation des plus faibles », explique-t-elle.
Parfois, constate-t-elle aussi, certains souhaitant régler leurs affaires personnelles, accusent leurs ennemis d’homosexualité, les dénonçant à la police. Les homosexuels sont aussi parmi les plus démunis, souligne-t-elle. « Je n’ai jamais vu quelqu’un de haut placé être jeté en prison pour son homosexualité », assure-t-elle. « La répression contre les homosexuels est inacceptable au Cameroun. Que dirait les hétéros s’ils seraient réprimés parce qu’ils sont hétéros ? »