Entretien avec Calvin Nya, président fondateur de la Chambre Nationale des Consommateurs du Cameroun (CNACOC). Il égrène le chapelet des difficultés du Consommateur.
Afrik.com : Qui est Calvin Nya ?
Calvin Nya : Je suis le président fondateur de la Chambre Nationale des Consommateurs du Cameroun en abrégé CNACOC. Mon mandat a été renouvelé en 2015 au terme d’une assemblée générale ordinaire. La CNACOC a été créée en 1994 à Yaoundé mais le siège a été transféré à Douala depuis 1997 pour des raisons d’ordre économique. Les démembrements de la CNACOC se trouvent dans les dix régions du pays. Je suis diplômé de l’enseignement supérieur en Sciences Economiques et j’ai travaillé comme contractuel d’administration de 1990 à 1994 avant de rouler ma bosse dans le secteur privé où j’ai exercé tour à tour dans plusieurs entreprises du Cameroun. Enfin je me suis rangé du côté de la société civile en m’occupant exclusivement de la défense des droits des consommateurs.
Je suis membre de : la Commission Nationale Anti Corruption (CONAC), l’Observatoire National des produits de grande consommation, comité technique national de la fortification alimentaire, comité technique national des normes et de la qualité, comité consultatif des consommateurs d’électricité à ARSEL, réseau Camerounais des Droits de l’Homme (RECODH), comité de pilotage et de suivi de la mise en œuvre de la télévision numérique terrestre au Cameroun (TNT) et membre affilié de Consumers International (OIC London), membre fondateur de l’Union africaine des consommateurs dont le siège est à Ndjamena au Tchad et Directeur de Publication du mensuel « Le Consommateur Averti ». Enfin, je suis le chef d’une famille nombreuse.
Afrik.com : Que représente pour vous la célébration de la Journée mondiale des Droits du consommateur et donc la 32ème édition a eu lieu le 15 mars dernier?
Calvin Nya : La célébration de la Journée mondiale des Droits du consommateur est une heureuse occasion de retrouvailles entre les pouvoirs publics, les producteurs de biens et de services que sont les opérateurs économiques d’une part, et d’autre part, les acheteurs de ces biens et services que sont les consommateurs.
C’est aussi l’occasion de marquer un temps d’arrêt pour évaluer tout ce qui a été fait depuis la dernière célébration.
Afrik.com : Qu’est-ce qui a été fait depuis la dernière célébration ?
Calvin Nya : D’ores et déjà, je peux vous rassurer que les Associations des Consommateurs continuent, contre vents et marrées, de ne ménager aucun effort pour informer, sensibiliser et défendre les intérêts des consommateurs du Cameroun, ainsi que ceux de toutes les personnes victimes des abus des producteurs. Seulement, ce combat aurait connu davantage d’efficacités, si ces associations avaient en face d’elles des interlocuteurs réceptifs. Ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas.
C’est pourquoi, au niveau de la CNACOC (Chambre Nationale des Consommateurs du Cameroun) et de la CONAC (Commission Nationale Anti Corruption), le thème central choisi cette année, sur le plan national était: « les droits du consommateur face à la réalité commerciale au Cameroun ». Un thème qui était plus que jamais d’actualité, par ces temps où le Consommateur camerounais ne sait toujours pas se comporter devant un produit, parce qu’il ignore ses propres droits et devoirs. Par conséquent, il succombe naïvement aux appâts divers, savamment orchestrés par des opérateurs économiques véreux, que sont la publicité mensongère, la vente des produits contrefaits ou périmés, la contrebande, et la liste n’est pas exhaustive.
Afrik.com : Quel dispositif le gouvernement a-t-il mis en place afin de préserver les Droits des consommateurs ?
Calvin Nya : Je voudrais d’abord relever, pour m’en féliciter, que grâce aux multiples actions des pouvoirs publics dans la lutte contre la vie chère, la pauvreté, à travers les ventes promotionnelles qu’ils ne cessent d’organiser, les réunions successives de concertations, avec en prime la stabilité des prix de manière quasi-permanente sur les marchés, les spéculations habituelles, à l’occasion des fêtes de fin d’année, connaissent de moins en moins leur succès d’antan.
Au-delà de cette performance remarquable, il y a lieu d’y ajouter, entre autres, la loi régissant l’activité commerciale, la promotion des produits locaux avec le slogan « Consommons camerounais », dans le but de promouvoir les produits locaux, les journées économiques camerounaises sur le plan international, l’instauration des foires de cacao ou de café, des comités de recours, les Brigades de contrôle dans les arrondissements, etc. Il en est de même de la représentation des Associations des consommateurs au sein du Conseil national de la consommation, de la Commission nationale de la concurrence, de la Conac, et de l’ART, dont nous nous en réjouissons particulièrement.
Afrik.com : Que déplorent les défenseurs des droits des consommateurs que vous êtes ?
Calvin Nya : Nous déplorons l’absence d’une politique adéquate pour un bon climat des affaires dont le reflet est notre classement « doing business » qui n’est pas des plus honorables. Dans ce même registre, on peut aussi noter l’insuffisance des actions menées sur le terrain par les organismes de régulation que sont l’ARSEL, l’ANOR, etc. La dernière frasque a été le comportement des pouvoirs publics, notamment de l’ANOR, vis-à-vis d’une certaine huile végétale, qui a placé les consommateurs dans une situation de vérités et de contre-vérités, venues curieusement d’une même institution. C’est aussi le cas des whiskies en sachet qui se portent encore bien sur le marché, malgré les discours.
D’une manière générale, le Consommateur camerounais ne cesse de subir les sempiternelles conséquences des coupures injustifiées d’électricité et d’eau, mais aussi et surtout des arnaques, des publicités mensongères récurrentes, diffusées par diverses entreprises et même des sociétés d’Etat. Par exemple, les Consommateurs ne savent toujours pas où on en est avec la 4G, annoncée en grande pompe par les opérateurs de téléphonie mobile ?
De même, au cours de l’année 2016, les consommateurs camerounais ont été sérieusement perturbés par une nébuleuse appelée grippe aviaire qui était en train de faire le tour du Cameroun, en enflant une certaine polémique, avec des commentaires et autres suspicions qui sont allés dans tous les sens. Malheureusement, la Chambre nationale des consommateurs, n’ayant pas été associée à la moindre enquête concernant cette épidémie, ne dispose jusqu’à ce jour aucune information fiable susceptible de lui permettre de faire des commentaires sur la présence de cette maladie virale. Cependant, elle continue de s’opposer énergiquement à tout retour à l’importation des poulets congelés sur le marché camerounais, dont les conséquences néfastes sur la santé sont avérées.
Pour cette année qui a commencé, l’élargissement de l’assiette fiscale avec l’augmentation des droits d’assises, des taxes douanières et fiscales, sur certains produits de premières nécessités, créent en ce moment quelques inquiétudes, et risquent de compromettre les actions du gouvernement en matière de vie chère.
Afrik.com : Avez-vous quelques doléances à émettre pour cette année naissante ?
Calvin Nya : Parmi les doléances pour cette année qui a commencé, nous souhaiterions, avant tout, que le financement du travail abattu par les Associations de Consommateurs soient expressément inscrit au budget 2017, au vu d’un plan d’action qui sera préalablement défini. Ceci pourra être avantageux dans l’assainissement minutieux des mouvements consuméristes au Cameroun qui souffrent énormément de l’intrusion de nombreux aventuriers. Ce qui créé une confusion préjudiciable.
Afrik.com : Un mot à l’endroit des Autorités administratives de la ville de Douala, des Opérateurs économiques, des Consommateurs et des Associations des Consommateurs…
Calvin Nya : Aux Autorités administratives de la ville de Douala: Nous présentons nos sincères remerciements à Monsieur Samuel Dieudonné Ivaha Diboua, Gouverneur de la Région du Littoral, pour l’appui qu’il a apporté dans l’organisation de cette cérémonie, en acceptant sans hésiter de la parrainer.
Nos remerciements vont au Dr. Fritz Ntone Ntone, Délégué du Gouvernement auprès de la Communauté Urbaine de Douala, pour toutes les facilités qu’il nous a accordées pour la visibilité des différentes festivités programmées.
_ Aux Opérateurs économiques : Vous êtes sans ignorer que beaucoup d’engagements d’ordre social ou économique dépendent de l’Etat, mais aussi de vous. Je saisis cette occasion qui m’est donnée, pour vous rappeler que vous êtes le maillon essentiel de la société. C’est pourquoi les Consommateurs demandent davantage de sérieux à certains d’entre vous, qui n’ont pas toujours eu un comportement honorable. Heureusement, certains parmi en sont conscients pour le grand bien des Consommateurs. Seulement, il nous a été donné de constater que d’autres se livrent à des pratiques commerciales abusives et non règlementaires, notamment les publicités mensongères, les spéculations, les surenchères, le déstockage massif des produits avariés, le non-respect des engagements signés avec les pouvoirs publics, etc.
Au-delà du manque de collaboration envers la Chambre nationale des consommateurs, d’autres aussi profitent de leur casquette sociopolitique (sénateur, député ou maire) pour fouler aux pieds la lutte contre la vie chère, et la politique gouvernementale en matière de norme et qualité, prônées par le Chef de l’Etat.
En effet, la situation que j’ai présentée plus haut démontre comment, exposé à divers risques causés par les producteurs des biens et des services, les Consommateurs subissent le diktat des opérateurs économiques qui leur imposent leur loi et n’hésitent pas à bafouer leurs différents droits. Des attitudes qui se justifient par la recherche effrénée du profit et qui mettent en péril la vie de ceux qui font cette richesse et qui ne sont autres que les consommateurs. Comment peut-on vouloir s’enrichir sans respecter la vie du consommateur ? Si le consommateur venait à disparaître, qui achèterait encore les biens et les services produits ?
Ceux qui font dans le commerce illicite n’ont jamais eu à se poser ces questions-là. Et cette célébration nous donne l’occasion de nous adresser à eux.
Chers producteurs des biens et des services, votre sens du patriotisme vous impose de mettre à la disposition des consommateurs, des produits exempts de tout défaut. _ Malheureusement, nous continuons de recevoir au quotidien des récriminations dans divers domaines : les surcharges dans le transport, des accidents mortels de la circulation dus aux mauvais état technique des véhicules, les ouvertures de centres de santé et cliniques sans autorisation préalable, le difficile accès aux médicaments essentiels, le coût élevé des consultations et des prestations, le coût élevé de la scolarité et des manuels scolaires avec des listes renouvelées tous les ans, la non-application de la gratuité de l’éducation de base, des coûts exorbitants des communications, des factures fantaisistes servies aux consommateurs d’électricité et d’eau, des appels à assistance souvent restés sans suite, le non respect de la réglementation en ce qui concerne les frais bancaires et la non application du service minimum gratuit, etc.
Comme je l’ai dit à l’endroit des pouvoirs publics, je vous exhorte aussi à inclure dans vos budgets annuels, la Journée mondiale des droits des Consommateurs (JMDC). Et surtout, à éviter le laxisme dans le traitement des dossiers de la JMDC, qui engendre des réactions tardives et l’impréparation, comme c’était encore le cas cette année chez certains d’entre vous.
Aux Consommateurs : La Cambre nationale des consommateurs est plus jamais à leurs côtés pour leurs plaintes et récriminations multiples, à travers leurs enquêtes et leurs dénonciations diverses sur le terrain, dans ce combat de titans entre les pouvoirs publics et les opérateurs économiques, dans lequel ils sont naturellement la victime.
Seulement, il est malencontreusement établi qu’ils s’illustrent par leur passivité dans la revendication de leurs droits, qui pourtant sont régulièrement piétinés, à cause de leur complicité active dans l’encouragement du délit de contrefaçon, de fraude, et autres pratiques commerciales illicites en achetant à bas prix les produits de luxe, sans jamais oser poser la moindre question sur leurs marques, encore moins de leurs origines.
Par conséquent, nous leur recommandons de s’informer sur tout ce qu’ils achètent. Car, ils ont certes des droits depuis la promulgation de la loi du 6 mai 2011, mais aussi des devoirs.
Aux Associations des consommateurs: En 2017, faisons de l’adage « l’union fait la force », notre credo. Seul, tout paraît difficile ; mais ensemble, nous vaincrons. En plus, réitérons notre engagement dans la lutte, sans faiblir, contre toute entreprise qui prospère dans la publicité mensongère ou tout autre péché qui nuit au Consommateur. Disons NON aux actes de compromission et nous serons davantage respectés. Disons NON à toute manipulation, d’où qu’elle vienne.