Trois journalistes camerounais ont été condamnés à des peines privatives de liberté lundi dernier à Yaoundé dans le cadre d’une affaire complexe qui avait abouti à la mort en prison du journaliste Cyrille Germain Ngotta Ngotta en 2010.
L’épilogue d’une affaire qui avait défrayé la chronique au Cameroun depuis février 2010 et abouti à la mort en prison du journaliste Cyrille Germain Ngotta Ngotta a enfin rendu son verdict. La chambre criminelle du Tribunal de grande instance du Mfoundi à Yaoundé a condamné le 3 décembre, Mintya Meka Harris Robert, directeur de publication de l’hebdomadaire Le Devoir, Sabouang Yen Serges, directeur de publication du bimensuel La Nation, à 2 ans de prison avec sursis pendant 3 ans, et à payer solidairement la somme de 119.421 FCFA sous peine de contrainte par corps. Un autre accusé Nko’o Mvondo Simon Hervé, journaliste-reporter à l’hebdomadaire Bebela et absent du pays, écope d’une peine de 15 ans d’emprisonnement ferme.
Les trois journalistes étaient poursuivis pour « contrefaçon de signature, des marques et imprimés en co-action » dans l’affaire de l’acquisition par la Société nationale des hydrocarbures (SNH), d’un bateau hôtel dénommé « Rio Del Rey » et pour laquelle des commissions de l’ordre de 1,4 milliard de FCFA auraient été versées à certains acteurs. En effet, l’affaire remonte en février 2010. Les deux journalistes condamnés avec sursis sont interpellés avec Cyrille Germain Ngotta Ngotta à la suite d’une plainte, avait-on appris de l’ancien secrétaire général de la présidence de la République, l’un des principaux acteurs dans le processus d’acquisition du bateau en question. Les journalistes seront torturés à la Direction générale de la Recherche extérieur (DGRE) avant d’être transférés à la prison de Yaoundé. Cyrille Germain Ngotta Ngotta y décède en avril 2010.
Le ministre de la communication, Issa Tchiroma, précisa alors au cours d’une conférence de presse que Ngota Ngota était séropositif et mort du sida. Une déclaration décriée par le corps médical qui dénonçait alors la violation du « secret médical ». Sous la pression, des organisations de défense des droits des journalistes, Mintya Meka Harris Robert et Sabouang Yen Serges furent libérés en novembre pour comparaître libres. Nko’o Mvondo Simon Hervé ayant réussi à quitter le pays.
Condamnations tous Azimuts
L’un des syndicats de journalistes du Cameroun (le SNJC) dans une déclaration « condamne une sentence inique contre trois journalistes ». Tout en appelant la corporation à plus de professionnalisme dans la collecte et le traitement de l’information, le SNJC s’insurge contre un déni de droit qui n’honore par le Cameroun. Il met, par ailleurs, en garde les autorités camerounaises contre « toutes tentatives d’intimidation, d’instrumentalisation, de mauvais traitement contre les journalistes et d’entrave au droit à l’information, devenues un sport national pour certains dirigeants camerounais », lit-on dans la déclaration parvenue à la presse.
Reporter sans Frontières (RSF), dont Ambroise Pierre, son responsable du bureau Afrique, prend part à Yaoundé aux Etats généraux de la communication (EGC) organisés par les autorités camerounaises au Palais des Congrès du 5 au 7 décembre 2012, qualifie « d’inique et choquante, la décision de justice prononcée contre Simon Hervé Nko’o, Serge Sabouang et Robert Mintya ». Pour cette organisation, celle-ci « n’a qu’un seul mérite : celui de confirmer l’urgence de dépénaliser les délits de presse au Cameroun », écrit RSF qui espère que les Etats généraux de la communication de Yaoundé n’éluderont aucune de ces questions.