A Trinidad & Tobago, elle est l’une des plus grandes stars du calypso. L’artiste est l’une des têtes d’affiche du festival Vibrations Caraïbes, qui investit le quartier Montparnasse à Paris jusqu’au 13 novembre, avec diverses manifestations culturelles. Son concert est programmé dimanche soir, à la Maison des cultures du monde.
Née en 1940 dans une famille pauvre de Tobago – 13 enfants et les parents vivant dans une seule pièce –, Calypso Rose est aujourd’hui une star adulée dans toute la Caraïbe. Son dernier album, Calypso Rose (World Village) nous offre des tubes de l’île devenus des classiques, tels que “Rhum and Coca-Cola” ou “Underneath the mango tree”, à côté des propres compositions de l’artiste. Rencontre avec une femme pleine de bonne humeur, qui, pendant notre interview, chantait et riait, autant qu’elle nous parlait…
Afrik.com : Vous avez composé plus de 800 chansons… Qu’est-ce que la musique vous apporte?
Calypso Rose : Elle me permet de rester vivante. Elle verse un arc-en-ciel dans mon âme.
Afrik.com : Votre album éponyme (World Village/Distribution Harmonia Mundi, 2008), s’ouvre sur la chanson “Back to Africa”, votre composition. Qu’avez-vous ressenti lors de votre premier voyage en Afrique?
Calypso Rose : C’était au Liberia, Samuel Doe m’avait invitée. Mon arrière-grand-mère venait de Guinée. L’Afrique, ce sont nos racines. Je crois que ce sont mes racines africaines qui me rendent si forte (elle rit. Calyspo Rose a été opérée d’un cancer du sein, et garde son extraordinaire bonne humeur, ndlr).
Afrik.com : Votre père était pasteur. Avez-vous commencé à chanter à l’église?
Calypso Rose : Oui, je faisais partie de la chorale de l’église. On chantait du gospel. Un jour, j’avais 15 ans, j’étais dans la rue, et j’ai assisté à un incident: un homme a arraché les lunettes de soleil sur le visage d’un autre, pour les voler, qui s’est mis à crier “au voleur! au voleur!”. En rentrant, je me suis mise à composer une calypso. Tout m’est venu ensemble: paroles et musique. C’était ma première chanson. En 1955.
Afrik.com : Et le succès est arrivé dans les années 60…
Calypso Rose : Oui, j’ai continué à chanter, et un jour le Dr Eric Williams (appelé “Le père de la Nation”, il gouverna le pays de 1956 jusqu’à sa mort en 1981, en faisant accéder le pays à l’Indépendance en 1962, ndlr) m’a appelée pour chanter à l’un des concerts qu’il donnait.
Afrik.com : En 1966, vous sortez votre premier “tube”: “Fire in me wire”, et en 1978, vous êtes la première femme à gagner le titre de “Calypso monarch”, pendant le Carnaval, avec votre composition “I thank thee”…
Calypso Rose : Oui: avant ça, la compétition pour gagner le titre de meilleur chanteur de calypso était réservée aux hommes. En 1978, j’ai été la première femme à gagner ce titre, et comme nous venions d’accéder au statut de République, on a laissé le titre de “Calypso king” pour “Calypso monarch”…
Afrik.com : Les artistes sont parfois plus écoutés que les hommes politiques, surtout dans les pays du Sud: comme artiste caribéenne, vous sentez-vous investie d’un rôle “engagé” lorsque vous chantez?
Calypso Rose : Bien sûr. En 1969, j’ai écrit la chanson “No Madam”: une bonne ne gagnait que 20 dollars par mois, et travaillait 31 jours par mois (elle se met à la chanter, ndlr): “Rose you wash the dish. No Madam… “ Et bien ce calypso a eu comme conséquence que le gouvernement s’est réuni et qu’on a changé les lois sur les domestiques, pour exiger un minium de 250 dollars !
Afrik.com : Vous donnez des concerts dans toute la Caraïbe: vous sentez-vous une identité caribéenne?
Calypso Rose : Oui, parce que quand je chante, je sens que je fais quelque chose de bien pour Trinidad & Tobago, et pour toute la Caraïbe et l’Amérique centrale. Par exemple, j’ai causé la création du carnaval à Belize, et ma chanson, “Fire in Belize”, a été un tube en Allemagne et en Italie (elle bat des pieds et se met à la chanter, ndlr). Je participe à tous les festivals et carnavals des Caraïbes : en Jamaïque en avril, aux Barbades en juillet, aux Iles vierges en Avril, à Sainte Lucie en juillet, à Antigua en Août, à Grenade en Août…
Afrik.com : Vous vivez aujourd’hui à New York: pourquoi ce choix?
Calypso Rose : Je me suis mariée à un citoyen des Iles vierges, et d’après nos lois, si un homme de Trinidad & Tobago épouse une femme étrangère, elle prend sa nationalité à lui, mais dans le cas contraire ce n’est pas possible. Mon mari ne pouvait vivre à Trinidad & Tobago qu’avec une carte de séjour, qu’il aurait dû faire renouveler chaque année… Quand j’ai vu ça nous avons décidé de nous expatrier et de nous installer aux USA… Mais je retourne plusieurs fois par an à Trinidad & Tobago, ou ailleurs en Caraïbe.
Afrik.com : Que pensez-vous de l’évolution de la musique à Trinidad & Tobago?
Calypso Rose : Autrefois les paroles des chansons étaient très importantes. Elles pouvaient changer un pays, pouvaient ouvrir les esprits, pouvaient changer les conditions politiques, sociales… Mais les choses ont beaucoup changé. Aujourd’hui, beaucoup ne pensent qu’à faire de la musique comme ça, “boum-boum-boum”…
Afrik.com : Qu’aimez-vous écouter chez vous à la maison?
Calypso Rose : Beaucoup de gospels. Mahalia Jackson est ce que j’aime le plus. Je n’écoute jamais la radio. Mais j’écoute les nouvelles.
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