Le Gabon souhaite relancer la production de café dans le pays, ancienne culture de rente avant le boom de la production pétrolière. L’ambition, soutenue par l’organisation internationale du café et la caféothèque de Paris, est de lancer sur le marché un robusta haut de gamme et de diversifier l’économie nationale.
Un café haut de gamme made in Gabon. Telles sont les ambitions affichées par les autorités gabonaises, qui organisent actuellement à Paris la « Semaine des cafés du Gabon » (5 au 12 août). L’Etat entend relancer la production nationale de robusta pour diversifier une économie presque exclusivement basée sur le pétrole et les mines. L’objectif est d’investir un marché de niche en misant sur la qualité d’un café d’origine contrôlée.
« Le café est une ancienne culture coloniale dont la production a chuté dans les années 80 avec la montée des revenus pétroliers, explique-t-on à la Direction générale de la Caisse de stabilisation et de péréquation du Gabon (DGCSP), une émanation du ministère de l’Economie chargée de la mise en œuvre des politiques en matière de café et de cacao. Nous sommes ainsi passé de 4 000 à 400 tonnes par an en 30 ans. »
L’Etat considère aujourd’hui que la relance du secteur constituerait un facteur de lutte contre la pauvreté en milieu rural. Le fait est que la manne pétrolière ne profite pas, loin s’en faut, à tout le monde. Le Gabon, classé au 44e rang mondial (sur 181 pays) quant à son Produit national brut (PNB), dégringole de 79 places (123e) pour son indice de développement humain.
Le « Dom Pérignon du café »
« Nous visons une production de haut de gamme, 5 000 tonnes par an maximum, précise-t-on à la DGCSP. Nous souhaitons être au café ce que le Dom Pérignon est au champagne. » Trois régions produisent actuellement leur café dans le pays : Ngounié, Haut-Ogoue, Ogoue Ivinido. Et la Caisse de stabilisation souhaite concentrer ses efforts sur le meilleur des trois. Pour être sure de son fait, elle s’est rendue en France pour recueillir l’avis de spécialistes à la matière à la caféothèque de Paris.
«Nous avons le choix entre trois origines. Le café plus apprécié des professionnels est celui de la région du Haut-Ogoue. Mais, contrairement aux deux autres, nous avons traité ce café par voie humide, c’est à dire que nous l’avons lavé, alors qu’il est habituellement séché. Nous avons ainsi pu garder les qualités gustatives du café tout en en atténuant la tonicité. La prochaine étape est de laver les trois cafés pour que l’on puisse juger sur une même base. Ce que nous aurons fait dans 3 à 6 mois. Nous saurons alors quel est celui qui va faire l’objet de toute notre attention. »
Concurrencer l’arabica
C’est l’arabica, plus doux et produit en altitude, qui tient aujourd’hui le haut du pavé sur le marché international. Pour faire un bon café, les torréfacteurs mélangent ordinairement 70% d’arabica et 30% de robusta (plus corsé). La DGCSP souhaite à la fois « vendre du grand robusta pour qu’il puisse être coupé avec du grand arabica » et « développer, grâce à la technique du lavage, un nouveau marché pour concurrencer directement l’arabica ». D’autres petits producteurs du continent, à l’image du Togo (5 000 tonnes de robusta par an) ou de Sao Tomé (3 000 tonnes de robusta par an) ont déjà posé les jalons d’un café haut de gamme, à l’inverse de la côte d’Ivoire (300 000t/an) ou du Cameroun (120 000 t/an) qui pratiquent une production de masse.
L’initiative gabonaise est soutenue par des organisations internationales dont les experts sont arrivés dimanche à Libreville. Organisations qui ont déjà accompagné l’arabica burundais (7 000 t/an) sur cette même voie. « Les paysans sont organisés en coopératives qu’encadrent nos structures décentralisées, explique-t-on à la DGCSP. Tout le monde ne peut pas assumer la production de café haut de gamme, alors nous opérons une sélection. Sélection qui bénéficiera d’un programme de formation (d’un montant de 750 000 euros), conjoint entre l’Organisation international du Café et le Gabon. Il existe, par ailleurs, un autre programme de formation des dégustateurs réalisé en partenariat avec la caféothèque de Paris.
L’arme marketing
Au-delà des qualités propres du café, travaillé en amont à travers les techniques de récoltes, de transformation et de torréfaction, « la valeur d’un café se joue beaucoup au niveau du marketing », reconnaît-on à la DGCSP. A l’instar de l’image qu’a pu imposer le café jamaïcain Blue Mountain. A chacun toutefois de trouver son marché. Raison pour laquelle le Gabon reste serein. S’il a remporté, en 2005 au Salon du terroir à Paris, le 2e prix pour son robusta, il n’a pas encore mis toutes ses forces dans la bataille. L’offensive a été véritablement lancée début 2006 et le pays n’a pas encore déployé toutes ses troupes. Et en matière de concurrence, rien de tel qu’un bon café pour garder les yeux bien ouverts…