Jusqu’en novembre prochain, le Théâtre Montparnasse, à Paris, accueille 1962, la pièce écrite par le réalisateur et romancier algérien Mehdi Charef. Les doutes et les angoisses de cinq pieds-noirs et de deux Algériens au moment de l’indépendance qui se retrouvent sur un quai de gare, mises en scène par Kader Boukhanef et Azize Kabouche.
On connaissait Mehdi Charef réalisateur, à la télévision et au cinéma avec notamment Le Thé au harem d’Archimède, César de la Première œuvre 1985 et Prix Jean Vigo, Au pays des Juliets, sélectionné à Cannes en 1992, ou encore La fille de Keltoum. On le connaissait aussi romancier, avec l’écriture de trois ouvrages dont le très beau livre, Le harki de Meriem. Aujourd’hui, c’est sur scène que l’on retrouve cet homme de plume et de caméra, grâce à sa première pièce de théâtre sobrement intitulée 1962.
La pièce se passe donc cette année-là, aux premiers jours de l’indépendance algérienne, après 8 ans de guerre. Sur le quai de la gare de Maghnia, petite ville située à l’extrême nord-ouest du pays, sept personnages attendent « le dernier train français ». Quatre d’entre eux doivent le prendre pour rejoindre Oran et embarquer pour la France. Ce sont des Pieds-Noirs aux personnalités aussi diverses que leur place dans la société d’alors.
Galerie de portraits
Il y a Barnabé le chef de gare, qui s’inquiète de savoir ce que va devenir sa gare chérie après son départ. Léonie, accompagnée de l’un de ses ouvriers agricoles, Tahar, qui transporte le cercueil de son mari. Ce dernier s’est suicidé pour éviter de quitter le pays. Elle a nettoyé la maison, mis des draps propres aux lits car elle explique : « Il faut laisser l’endroit plus propre qu’on ne l’a trouvé »… Elle offre sa propriété à Tahar et s’enorgueilli de l’avoir toujours bien traité bien qu’elle confonde le nom de ses enfants et prenne sa fille pour sa femme, décédée depuis 5 ans… Il y a Perret, le propriétaire terrien raciste qui s’est roulé ce matin dans la boue de sa terre et ne veut plus se laver. Il a lui-même pensé à se pendre… « Nous allons devenir des étrangers sans passé, sans mémoire », s’angoisse-t-il.
Il y a Marie, jeune serveuse, amoureuse des soldats de passage qui ressemblent à son fiancé, mort au combat au début de la guerre. Ingénue, elle explique : « J’ai l’impression de partir à l’étranger alors que je rentre à la maison ». Quant à Dacquin, le coiffeur, il a pris le maquis avec les combattants algériens et milite pour « l’Algérie algérienne ». Il dit, amer : « Nous perdons tout par orgueil et par haine (…) Moi je n’ai pas peur. Je suis algérien et je le resterai. » La distribution est complétée par El Dib, le harki, qui a « été à la caserne comme on va à l’usine ».
Révélations sur un quai de gare
Ces sept personnages analysent la situation à la lumière de leurs vécus et de leurs émotions. Ils sont malheureusement parfois à la limite du cliché et leurs monologues, trop littéraires, les éloignent quelque peu du spectateur. Pour autant, la pièce dans son ensemble est agréable, les acteurs bons et le décor d’une sobriété subtile, habité par le bleu intense du ciel que l’on retrouve sur l’affiche. Les jeux de lumière et les effets sonores rappelleront l’Algérie à ceux qui la connaisse.
Mehdi Charef, né en 1954 en Algérie et l’ayant quitté en 1962 pour la France, met peut-être un peu de lui dans ces récits du retour définitif et douloureux. Car comme dit Léonie dans la pièce, « C’est une histoire d’amour, l’Algérie ». Une histoire qui vous marque à jamais. Ces révélations sur un quai de gare se jouent jusqu’au 13 novembre prochain.
1962, de Mehdi Charef, mise en scène de Kader Boukhanef et Azize Kabouche
Du 26 août au 13 novembre 2005 au Théâtre Montparnasse
31, rue de la Gaité 75014 Paris. A 21h du mardi au samedi. 17h le samedi. 15h30 le dimanche. Tél : 01 43 22 77 74.
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