L’apprentissage : C comme Chanter. Un livre sur Internet, sous forme d’abécédaire, pour dire en 100 mots comment la France adopte ses enfants de migrants. Véritable « Lettres persanes » du XXIe siècle, l’initiative de la journaliste/auteur Nadia Khouri-Dagher a séduit Afrik.com qui a décidé de vous offrir deux mots par semaine. A savourer.
De A comme Accent à Z comme Zut, en passant par H comme Hammam ou N comme nostalgie, 100 mots pour un livre : L’apprentissage ou « comment la France adopte ses enfants de migrants ». Une oeuvre que la journaliste/auteur Nadia Khouri-Dagher a choisi de publier d’abord sur Internet. Un abécédaire savoureux qu’Afrik a décidé de distiller en ligne, pour un grand rendez-vous hebdomadaire. Une autre manière d’appréhender la littérature… |
C
CHANTER
« Pomme de reinette et pomme d’api, tapis tapis rouge… »
« Malbrouk s’en va-t-en guerre, Malbrouk s’en va-t-en guerre… »
« Mais où est passée Mirza? Mais où est passée Mirza?… »
« Tout va très bien, Madame la Marquise, tout va très bien… »
Débarquer enfant dans un pays en connaissant les mêmes chansons que les autres enfants, ça aide sacrément à s’intégrer, comme on dit aujourd’hui. La culture, c’est d’abord une culture orale, comme les anthropologues du monde entier le découvrent en premier. Et la colonisation, la dépendance culturelle, ce fut aussi – cela reste encore – cela: un patrimoine oral de chansons, de folklore, d’histoires drôles, certaines ancestrales, d’autres plus récentes, que la France exporte au-delà des mers, et qui finit par former un patrimoine commun entre la France et ses anciens pays protégés, Afrique noire, Afrique blanche, Moyen-Orient, Asie, Dom-Tom aussi.
Débarquant enfant en France, j’avais un avantage: je connaissais bon nombre des chansons des enfants de France. J’en ai aussi appris tout un lot de nouvelles, et les connaître, les chanter, a contribué, c’est évident, à faire de moi une vraie petite Française. Par exemple, parmi les chansons que j’ai apprises en France, et qui me plaisaient bien, celle-ci, que mon fils aujourd’hui me rapporte de l’école à son tour:
« Voici le mois de mai, où la feuille vole au vent !
Voici le mois de mai, où la feuille vole au vent!
Où la feuille vole au vent, si jolie mignonne!
Où la feuille vole au vent, si mignonnement!.. »
Et je réalise, avec ces chansons que mon fils apprend à l’école, ces chansons si françaises, que j’ai apprises aussi, et que des générations de Françaises et de Français chantent depuis des siècles, à quel point mon fils est en train de devenir français, par ces chansons populaires partagées, bien plus que par son passeport tout frais renouvelé.
Mais mon fils est aussi tout amusé d’avoir rapporté de l’école une nouvelle chanson, « Jeanneton », qu’aucun instituteur jamais ne lui enseigna, culture populaire transmise oralement, comme chez tous les peuples du monde. Moi aussi au même âge je m’amusais de cette nouvelle chanson apprise et d’autres aussi coquines, que je n’avais jamais entendues au Liban. Car nos écoles d’outre-mer, qui pourtant nous parlaient de nos ancêtres gaulois, n’enseignaient pas à nos jeunes esprits dans sa totalité…l’esprit gaulois!