On l’appelait la « Madonne noire », la « diva de la pop » ou encore la « reine des vocalistes ». La chanteuse sud-africaine Brenda Fassie, qui avait su imposer son style dans son pays mais aussi dans le monde entier, s’est éteinte, dimanche, dans un hôpital de Johannesburg, après plus de deux semaines de coma. Portrait.
« Une héroïne est tombée ». C’est ce qu’a déclaré Leslie Sedibe, l’avocat de la maison de production EMI Music, en annonçant le décès, dimanche, de Brenda Fassie. La célèbre chanteuse sud-africaine s’est éteinte à l’hôpital Sunninghill de Johannesburg, après avoir passé une quinzaine de jours dans le coma, suite à une attaque cardiaque. L’Afrique du Sud pleure une artiste émérite, bien que très souvent controversée pour ses provocations, qui a su s’imposer sur la scène internationale.
Brenda Fassie n’a pas eu la célébrité facile. Elle est née dans un township de Langa à Cap Town (sud-ouest), mais la pauvreté de son environnement ne l’a jamais détournée de la musique. Selon le Sunday Times, elle saisi chaque occasion de s’adonner à sa passion. Très active et pas timide pour un sou, selon des proches, elle monte sur scène et s’érige en leader dès qu’elle en a la possibilité. Avant même de souffler ses vingt bougies, elle écrit déjà ses textes. Aux côtés d’un petit groupe, les Tiny Tots, Brenda imite la chanteuse américaine de folk Roberta Flack.
Bâillonnée sous l’Apartheid
Au début des années 80, elle quitte Cape Town pour Johannesburg. Commence alors la construction d’une carrière en laquelle tous ceux qui la connaissent croient. En 1986, en plein Apartheid, elle sort son premier tube Weekend Special. Le succès ne l’empêche pas de mener bataille contre le régime discriminatoire et répressif, à l’image de son oncle de la tribu Xhosa, le fameux Nelson Mandela. Les autorités interdiront plusieurs de ses titres, comme Black President, dans lequel elle plaide pour un chef d’Etat noir en Afrique du Sud, et plus précisément pour l’intronisation de l’icône de la lutte anti-Apartheid. Ou encore comme Good black woman, qui raconte comment, un jour, un policier blanc lui a pointé un revolver sur la tempe, alors qu’elle n’avait que dix ans, pour qu’elle avoue où se trouvait l’un de ses frères. Des titres de ce genre, il y en aura au moins un par album. Ce qui entraîne plusieurs interdictions.
Pourtant, ces censures ne semblent pas avoir entaché l’ascension de la « Madonne noire ». Elle aurait même vendu plus que les autres chanteurs sud-africains. Mieux, si l’on prend en compte ces quinze dernières années, la « diva de la pop » est l’une des plus artistes sud-africaines qui s’est le mieux imposée, en termes de ventes, sur ses terres, mais aussi à l’étranger. Les hommes politiques reconnaissent son travail : l’une de ses chansons, Vulindlela, sera reprise par le Congrès national africain comme thème musical pour sa campagne électorale de 1999.
« J’aime créer la controverse »
La « reine des vocalistes », célèbre pour son flow et sa voix puissante, l’est aussi pour ses problèmes avec l’alcool et la drogue. Cette dernière dépendance manque d’ailleurs de lui coûter la vie. En 1995, elle entre en cure de désintoxication après avoir été retrouvée inconsciente dans un hôtel de la capitale. En outre, ses relations bisexuelles lui valent bien des critiques, mais peu lui importe. Elle assume complètement. « Je suis quelqu’un qui choque. J’aime créer la controverse. C’est ma marque de fabrique. » Une marque qui lui a valu plusieurs récompenses, dont les l’équivalent des « Grammy » sud-africains (2001) ou encore les Koras (1999), qui priment les meilleures artistes du continent. Cette reconnaissance ne l’a jamais détournée de ses racines : lorsque son agenda le lui permettait, elle allait rendre visite à ses proches et donnait même un coup de main aux familles les plus démunies.
Brenda Fassie va manquer au plus grand nombre. Lors de son hospitalisation, Nelson Mandela, Thabo Mbeki et d’autres hommes politiques se sont rendus à son chevet. Ses proches, du township de Langa, priaient pour qu’elle survive tout en suivant de près les informations. Les fans espéraient un miracle auquel les docteurs ne croyaient plus vraiment. Depuis l’annonce de sa mort, ce n’est pas seulement l’Afrique du Sud qui pleure, mais l’Afrique toute entière. Les fans pourront dire un dernier adieu à la chanteuse grâce à un serveur d’appel spécialement mis en place. Avec la possibilité d’écouter des morceaux inédits. Pour que sa voix lui survive.