Burundi : la radio-télévision Renaissance, un facteur d’unité nationale


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La radio et la télévision Renaissance se sont fixées pour mission d’apporter une information équilibrée à la population burundaise. Plusieurs associations saluent l’initiative qui, jugent-ils, permettra d’étouffer les tensions entre Hutus et Tutsis. Non négligeable à l’heure où certains politiciens sont accusés de jouer la carte ethnique pour les élections législatives de 2010.

Informer pour que les pages sombres de l’histoire burundaise ne se répètent pas. Lorsque la radio Renaissance a émis pour la première fois il y a cinq ans, elle s’était fixée pour mission d’offrir à ces auditeurs un traitement de l’information impartial. Quatre ans plus tard, les efforts de ce média étaient soutenus en images par le lancement de la télévision Renaissance – la première chaîne privée du Burundi, dont la couverture touche « entre 30% et 40% du territoire, sur la capitale Bujumbura et la plaine », explique Innocent Muhozi, directeur de la télévision-radio.

Si ce média populaire s’est fixé une telle rigueur, c’est pour remplir sa mission journalistique mais aussi stériliser le terreau de la haine ethnique. Un terreau dont la fertilité a par le passé provoqué des génocides. En 1972, les Hutus se sont révoltés contre la minorité tutsie au pouvoir et ont éliminé plusieurs dizaines de milliers d’entre eux. Une insurrection réprimée par l’extermination d’au moins 100 000 Hutus. Un épisode moins connu que le génocide au Rwanda, en 1994, où environ 800 000 Tutsis ont été massacrés par les Hutus, majoritaires et notamment conditionnés à haïr leurs voisins par la tristement célèbre radio Mille Collines.

La parole pour « prêcher la fraternité »

Malgré les efforts de réconciliation, les relations ethniques entre Hutus et Tutsis restent inflammables. Pour preuve, plusieurs tueries interethniques ont été commises après les génocides. Et les accords de paix et de réconciliation pour le Burundi, signés à Arusha (Tanzanie) en août 2000, n’ont pas empêché des accès de folie meurtrière. C’est pour les prévenir que Renaissance se pose en garde-fous.

Inaugurant début septembre la télévision à Bujumbura, le philosophe français Bernard-Henri Levy, qui a financé le matériel de la radio, a expliqué l’esprit qui accompagne Renaissance : « Si la parole peut avoir ce pouvoir d’attiser les haines, de créer les différences et des différences artificielles, est-ce qu’elle ne pourra pas avoir ce pouvoir inverse de prêcher la fraternité, d’enseigner que les différences ne sont jamais si infranchissables qu’on peut le dire ? »

Les politiques et la carte ethnique

Pour plusieurs associations des droits humains, la réponse est claire. Oui, la parole peut rassembler. « Renaissance donne des informations que la seule autre chaîne du pays, la télévision nationale, ne donne pas. C’est une variante au discours officiel. Elle organise aussi des débats politiques où des anciens rebelles, des représentants du pouvoir et des membres de l’opposition sont invités », commente Jean-Marie Vianney Kavumbagu, chargé d’information à la Ligue des droits de la personne dans la région des Grands Lacs.

« La télévision essaye d’amener les gens à faire des analyses politiques », félicite Joseph Mugigi, membre de l’association des droits humains Iteka. A l’approche des élections législatives de 2010, l’ouverture d’esprit qu’offre la chaîne pourrait faire office d’extincteur contre ceux qui seraient tentés de souffler sur les braises de la haine. Certains politiciens joueraient en effet la carte ethnique pour se placer lors du scrutin. « Ils créent des radios dans cette optique, mais ils sont minoritaires dans le paysage radiophonique burundais », tempère Innocent Muhozi.

« Lister les gens pour les éliminer ? »

Le directeur de Renaissance ajoute que depuis les accords d’Arusha (Tanzanie), qui prévoient une alternance du pouvoir entre Hutus et Tutsis, « la réalité politique a changé et les tensions ethniques ont beaucoup baissé ». Pas suffisamment, selon Rose Hakizimana. « Dans les services des ministères, et même dans les services privés, on demande combien il y a de Tutsis et de Hutus. Avec ce qui s’est passé avant, et avec l’approche des élections, on se demande si l’objectif n’est pas de lister les gens pour les éliminer », s’inquiète la présidente de l’Association pour l’assistance aux orphelins et veuves du génocide.

Alors Rose Hakizimana, qui travaille à rassembler dans les collines Hutus et Tutsis, espère que Renaissance touchera un maximum de personnes. Mais la tâche ne sera pas facile. La radio-télévision, qui espère couvrir tout le Burundi d’ici la fin de l’année, s’en sort mais manque de moyens. Malgré tout, conclut Innocent Muhozi, Renaissance reste plus motivée que jamais pour « favoriser le respect d’autrui et faire reculer le racisme et les idées tribalistes ».

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