Alors que le monde célébrait le 3 mai 2017 comme chaque année la journée mondiale de la liberté de la presse, au Burundi cette liberté a connu une chute libre depuis 2015. La crise socio-politique que traverse le Burundi depuis 2015, consécutive à la décision du Président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat, jugé d’illégal par l’opposition, a eu de graves conséquences sur la liberté de la presse burundaise.
Depuis la décision du Président Nkurunziza de solliciter un troisième mandat, la situation de la liberté de la presse n’a cessé de se dégrader, ce qui a conduit le pays à se retrouver dans les dernières places lors du classement mondial sur la liberté de la presse édition 2017 publié par Reporters Sans Frontières (RSF).
Tout a basculé en une nuit, celle du 13 mai 2015, lorsqu’un groupe de soldats et des manifestants tentent de renverser le président burundais Pierre Nkurunziza. Les putschistes détruisent alors une radio proche du pouvoir REMA FM et quelques heures plus tard, les loyalistes attaquent à la roquette les principales stations indépendantes du pays dont la Radio Publique Africaine RPA, la Radio BONESHA FM, la Radio ISANGANIRO et la Radio Télévision RENAISSANCE FM accusées de pactiser avec l’ennemi.
Ces médias ne vont plus émettre, sur interdiction du procureur général de la République du Burundi arguant diligenter une enquête pour voir la responsabilité de ces médias dans les manifestations et le putsch manqué, enquête dont les résultats n’ont, jusqu’à présent, deux ans après, jamais été rendus publics. Et dans la foulée, une centaine de journalistes se voient alors obligés de fuir en exil pour sauver leur vie. Jusqu’à ce jour, seule une station radio sur les quatre détruites à savoir Radio ISANGANIRO a été autorisée à réémettre.
Travailler dans la peur
Cette situation a eu de graves répercussions sur les journalistes, surtout ceux des médias indépendants qui se sont retrouvés dans le collimateur du pouvoir. Une centaine d’entre eux ont dû fuir le pays craignant pour leur sécurité. Aujourd’hui les journalistes qui sont restés dans le pays disent travailler dans la peur, allant même jusqu’à s’abstenir de traiter certains sujets.
Selon Denise Mugugu, présidente de la Maison de la presse au Burundi « la liberté de la presse est beaucoup plus dans les textes mais dans les faits la situation qu’a connue le pays a impacté sur la profession. Les journalistes sont des humains ; quand il y a des situations difficiles qui font peur, il y a aussi de l’autocensure qui surgit. Se rappelant des situations qui sont arrivé à des collègues comme Jean Bigirimana et Christophe Nkezabahizi qui ont été assassinés, la peur pousse le journaliste à réduire sa propre liberté. Ainsi, il y a des terrains sur lesquels on n’ose plus s’aventurer. Ceci atrophie trop la liberté de la presse ».
De son coté Léon Masengo, Directeur de la Radio Bonesha FM (encore fermée), déplore : « comment peut-on parler de liberté de la presse au Burundi alors que nos médias reste fermés ? Nous travaillons dans la peur, nous ne savons même pas quand nos médias vont rouvrir. C’est vraiment grave ! »
Lors d’une interview accordée aux journalistes en marge de la célébration de la journée internationale de la liberté de la presse à Bujumbura, le vice président et porte-parole du Conseil national de la communication (CNC) Gabriel Bihumugana a indiqué que ‘’ le CNC se bat pour qu’il y ait la vraie liberté de la presse’’
Dans son dernier classement mondial sur la situation de la liberté de la presse, Reporter Sans Frontières place le Burundi à la 160e place sur les 180 pays enquêtés. Ainsi, le Burundi chute de quatre places car il se plaçait à la 156ème position au cours du classement édition 2016. Là aussi il avait chuté de 11 places par rapport au classement de l’édition 2015…. La dégradation se poursuit.
Cette nouvelle position place le Burundi dans la catégorie des pays classés ‘’noirs’’ c’est-à-dire où la situation de la liberté de la presse est considérée comme ‘’ très critique’’. Selon ce rapport de RSF, «l’intense campagne de répression engagée par le président Pierre Nkurunziza en 2015 contre les médias qui avaient couvert la tentative de putsch après sa décision de briguer un troisième mandat, s’est généralisée à l’ensemble de la presse. Aujourd’hui, le Burundi s’enferre dans la crise et la liberté de la presse agonise. Poursuivis comme “putschistes”, des dizaines de journalistes ont été contraints à l’exil. Pour ceux qui restent, informer sans être parfaitement alignés sur la ligne gouvernementale relève de la gageure ».