C’est à Kayanza, dans le nord du pays, que le Président burundais Pierre Nkurunziza a déclenché, vendredi, la phase opérationnelle de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR). Il était entouré des membres de la CVR, de plusieurs ambassadeurs résidents et surtout, de Monseigneur Justin Welby, l’archevêque de Canterbury, plus haute autorité de l’Eglise anglicane, en visite de trois jours au Burundi.
A Bujumbura,
Les travaux de la commission doivent documenter les actes de violence qui se sont déroulés au Burundi, entre l’indépendance de 1962 et le 4 décembre 2008, date fixée comme fin définitive des massacres liés à la guerre civile démarrée en 1993. Les actes de violence qui éclaboussent le pays depuis le début de la crise politique, en mai 2015, ne sont donc pas concernés par ces travaux d’enquête. Telle que prévue par les Accords de paix d’Arusha signés en 2000, la CVR devait naître en 2002.
« Elle n’a vu finalement vu le jour que douze ans plus tard ! », raconte Déo Gratias Nkinahamira, un ancien homme politique hutu, aujourd’hui membre du CNDD-FDD, qui a perdu près de 33 membres de sa famille dans des massacres depuis 1965. « Je n’en veux à personne, mais il faut que la vérité soit dite pour pouvoir aller de l’avant, » ajoute-t-il. Pomme de discorde entre le pouvoir en place, le parti CNDD-FDD, et l’opposition politique, la création de la CVR a été source de nombreux clashs entre les deux camps. L’absence de consensus sur le mandat temporel et les capacités judiciaires de la CVR n’a eu de cesse de retarder sa création.
Ce n’est finalement que le 4 décembre 2014 que la CVR vit le jour après l’élection, par une commission mixte paritaire entre l’Assemblée nationale et le Sénat burundais, majoritairement acquis au pouvoir, de ses onze membres. La CVR est aujourd’hui présidée par Mgr Jean Louis Nahimana, un hutu, ex-secrétaire de la commission « Justice et Paix » du diocèse catholique de Bujumbura. Le vice-président est Mgr Bernard Ntahoturi, un tutsi, archevêque de l’Eglise anglicane du Burundi. La répartition des membres suit ensuite des lignes ethniques avec 6 hutus, 4 tutsis et un Twa. La mise en place opérationnelle de la CVR, longtemps attendue, arrive donc à point nommée. « Les plus proches conseillers du Président Nkurunziza ont tous, plus ou moins, été traumatisés par des massacres les touchant eux ou leurs familles, explique un ancien responsable militaire tutsi aujourd’hui à la retraite. La répression observée aujourd’hui découle de ces traumatismes ».
Le CNDD-FDD accuse l’opposition d’avoir tout fait pour ne pas que la CVR voit le jour. L’opposition estime, elle, que, telle qu’elle a été créée, la CVR est un instrument au service de l’ancienne rébellion aujourd’hui au pouvoir privilégiant le pardon et non de véritables poursuites judiciaires. Si la CVR ne dispose pas, en effet, de capacités à poursuivre en justice, il est certain que la documentation et la recherche de témoignages autour des erreurs passées constitueront déjà un urgent premier pas pour tourner la page.