Au Burkina Faso, l’application de la loi contre l’excision a confiné la pratique à la transfrontalité. Profitant du vide juridique entourant cette pratique au Mali, des parents s’en vont exciser leurs filles dans ce pays, sous le regard impuissant des acteurs de la lutte.
Notre correspondant au Burkina Faso
Koro, porte d’entrée au pays dogon, à l’Est du Mali, par la frontière burkinabè. Cette petite ville sahélienne attire de nombreux touristes occidentaux. Son marché, à la renommée bien établie, draine, chaque samedi, des commerçants et clients venus des pays voisins. Il n’y a pas que des touristes et des marchands qui accourent à Koro. Depuis quelques années déjà, la ville tient lieu de forum shopping, à de nombreux burkinabè, venus faire exciser leurs filles. « Au Burkina Faso, affirme le Dr Nestorine Sangaré, directrice exécutive d’un centre de recherche sur le genre et le développement, la loi contre l’excision a confiné la pratique dans la clandestinité dont la transfrontalité est l’une des formes émergentes. » Les populations feignant d’avoir abandonné la pratique, ont trouvé une nouvelle trouvaille en vue de la perpétuer. Contourner la loi en amenant exciser leurs fillettes à l’étranger est devenu le nouveau stratagème.
Le Mali est leur destination favorite. Là, aucune loi n’interdit la pratique qui, du reste, est perçue favorablement dans l’opinion publique. « On nous l’interdit ici. Ce n’est pas le cas à Koro, pourquoi je n’y irai pas », se satisfait sans gène, Mariam [nom d’emprunt], venue de Ouahigouya, ville burkinabè frontalière à Koro.
Pratique soutenue par la communauté burkinabè
Pour l’heure, aucune donnée statistique ne permet de mesurer l’ampleur du phénomène. Mais les témoignages s’y rapportant sont édifiants. « Un des chefs de villages avec lequel nous menons le combat contre l’excision, m’a dit un jour que si nous voulions réussir notre combat, il nous fallait poster des agents de sécurité et de santé à la frontière avec le Mali, tant les populations y allaient en masse pour exciser leurs filles», atteste Fati Ouédraogo, chargée d’un projet de lutte contre l’excision à Ouahigouya, dans la région Nord du Burkina, frontalière du Mali.
La pratique est soutenue et organisée par une communauté burkinabè bien implantée à Koro. Craignant des dénonciations anonymes, Mariam a prétexté une visite à sa sœur aînée, mariée à koro. Elle y a été rejointe plus tard, par l’exciseuse. Après l’opération, cette dernière s’en est retournée au Burkina dans l’insouciance la plus totale. A charge maintenant pour Mariam et les siens de s’occuper des pansements. D’autres par contre, explique Fati Ouédraogo, déplacent simultanément les victimes et l’exciseuse. Par petits groupes, à dos d’âne, à moto ou à vélo, les fillettes sont convoyées à Koro, décrit Fati Ouédraogo.
« Chaque fois que nous communiquons à nos collègues maliens des cas d’excision, ils n’agissent pas »
Contre l’excision transfrontalière, aucune action n’a été entamée. Les acteurs de la lutte assistent impuissants au spectacle, faute de moyens et surtout par manque de légitimité. « Cette boucherie silencieuse m’écœure. Mais, je n’ai pas les moyens de l’empêcher », se désole la septuagénaire Aminata Magassa, responsable de l’association féminine » Kafo » de Koro. N’ayant pas une convergence de vue sur la pratique de l’excision, la coopération policière entre les forces de sécurité des deux pays est inefficace. « Chaque fois que nous communiquons à nos collègues maliens des cas d’excision, ils n’agissent pas », regrette Kpinh Dah, commandant de brigade de la gendarmerie territorial de Thiou.
Une conférence tenue, en septembre 2008, a regroupé les épouses des chefs d’Etat de la sous-region ouest africaine. La première dame du Mali, Lobo Touré, ne s’y était pas rendue. Au cours de cette rencontre, le Mali avait été critiqué pour ne pas avoir légiféré sur l’excision et avait été invité à le faire. Mais face aux groupes de pression et aux lobbies islamiques, cette loi risque de ne jamais voir le jour. Du moins, pas de sitôt.
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