Pengdwendé et l’Association pour l’innovation et la recherche technologique appropriée en environnement ont décidé de mener la guerre aux déchets plastiques. Ces deux associations burkinabès ont mis en place un système de recyclage qui permettra aux femmes de transformer ces polluants pour en faire des objets utilitaires. Objets qui seront ensuite vendus au profit des créatrices.
Donner une deuxième vie au plastique usagé. C’est le pari que ce sont fixées deux associations burkinabès : Pengdwendé (APW) et l’Association pour l’innovation et la recherche technologique appropriée en environnement (AIRTAE). Leur objectif est écologique, puisqu’il s’agit de débarrasser le Burkina Faso des déchets plastiques qui traînent et représentent une menace pour l’environnement. Mais l’initiative a aussi une dimension socio-économique, car l’AIRTAE offre une formation aux femmes pour qu’elles puissent recycler la matière polluante afin d’en faire des objets utilitaires longue durée.
« J’ai eu l’initiative de recycler du plastique en faisant des recherches sur la gestion des déchets, surtout des sachets noirs. Je me disais qu’il fallait en faire des objets qui durent en les recyclant pour qu’ils ne soient pas jetés une nouvelle fois. Mais pour que cela soit faisable, il était indispensable de trouver comment mélanger les différents plastiques. J’ai trouvé un système qui a été breveté, et pour lequel j’ai déjà reçu huit médailles d’or. Il permet au plastique de remplacer le bois ou le ciment, qui souffrent du passage du temps », explique Philippe Yoda, coordinateur de l’AIRTAE et président de l’Association des inventeurs du Burkina. La recette est réservée aux collaborateurs de son réseau, qui, une fois formée la diffuseront à leur tour. Une façon de ne pas laisser « les grands industriels » profiter de sa découverte, tout en recentrant sa trouvaille sur le développement communautaire.
Enseigner les propriétés du plastique pour mieux le travailler
L’inventeur explique avoir été « l’un des premiers » à avoir exposé ses œuvres en plastique recyclé au Sénégal, où il n’y avait « principalement que des tricotages (articles tricotés avec de la « fibre » plastique, ndlr). C’est en 2003 qu’il a commencé à former des femmes burkinabès à l’art de façonner le plastique. « C’était à Saaba, une ville à 10 km environ de Ouagadougou. Cette initiative a été menée grâce au ministère de l’Environnement et plus précisément du Secrétaire permanent de la Convention nationale du développement durable, et de l’association, belge Wallonie-Bruxelles », poursuit l’inventeur, qui ne veut pas cacher sa recette miracle pour une action plus salutaire sur l’environnement.
Le destin, fortement aidé par l’association belge Autre Terre, l’a rapproché de l’APW, et de sa présidente Georgette Koala. C’est elle qui lui a envoyé les femmes à former, lors d’une première session, en août 2004. Elles étaient 18 dans les locaux de l’AIRTAE, en périphérie de Ouagadougou, la capitale. Elles ont appris à connaître le plastique, à le collecter, le trier, le laver, à savoir quel plastique utiliser pour construire tel ou tel objet et comment se protéger lors de la conception. Le 7 avril dernier, le binôme APW-AIRTAE a ouvert une nouvelle session de trente jours avec ce même groupe de femmes. « Cette année, la formation est axée sur la transformation du plastique en produits. A la fin de la session, elles pourront vendre ce qu’elles ont produit », précise la présidente de l’APW.
Des masques et une cheminée pour capter les émanations
Les futurs produits à vendre seront des animaux tricotés, des sacs, des tables basses, des pots de fleurs, des bancs, des tabourets… ou encore des bordures de jardin, des carreaux ou des pavés. « L’avantage des pavés en plastique, c’est que, contrairement au ciment, ils n’emmagasinent pas la chaleur pour la libérer une fois la nuit tombée. Par ailleurs, ils ne s’abîment pas et sont bien moins chers que ce qui constitue habituellement les pavés », souligne Philippe Yoda.
Autre terre donne des « per diem » (indemnités, ndlr) de 1 500 FCFA par jour aux femmes pour qu’elles puissent manger le midi et payer leur transport, certaines habitant loin. L’association belge permet aussi aux « étudiantes » de travailler le plastique dans des conditions sécurisées. « Elle nous fournit des blouses, des bottes et des gants. (Pour les émanations, ndlr) Elle a offert des masques et j’ai créé une cheminée qui capte les gaz. Ainsi, les gens sont protégés, mais aussi la couche d’ozone », souligne Philippe Yoda. « Les femmes seront également vaccinées contre le tétanos, car elles sont exposées à la maladie en fouillant dans les poubelles pour trouver le plastique », ajoute Georgette Koala.
Prévision d’usines de transformation de plastique
Au sortir de cette deuxième session de formation, les femmes pourront exercer leur activité et seront aptes à en former d’autres à l’intérieur du pays, mais aussi à l’extérieur. Une priorité pour l’APW et de l’AIRTAE. « Nous avons misé sur les femmes, car elles sont les premières touchées par la pauvreté. Elles ont aussi beaucoup plus de problèmes que les hommes », estime Georgette Koala. Les femmes, en première ligne, mais pas seulement. En plus des 18 apprenties, une autre femme suit la formation afin d’éduquer à l’art du plastique des sourds-muets, « qui peinent beaucoup à s’insérer », poursuit Georgette Koala.
L’APW et l’AIRTAE ne comptent pas arrêter leurs projets là. Le duo espère recevoir une aide financière du gouvernement, séduit par l’initiative, pour emménager dans le centre de Ouagadougou : les locaux de l’AIRTAE où se déroulent les cours ne sont actuellement pas alimentés en électricité ou en eau potable. Le groupe, qui fonctionne artisanalement, a aussi pour ambition de s’étoffer au niveau matériel et de mettre en place, d’ici 2008 des usines de transformation du plastique. Outre les différents secteurs de la capitale, des zones sont d’ores et déjà ciblées : Ouahigouya, Signaré, Koudougou et Kenkodogo.