Burkina Faso : le tournant politique de 2015 pourra-t-il avoir lieu ?


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À un an et demi de 2015, on ne sait toujours rien de qui sera le candidat de l’actuel parti au pouvoir, le Congrès pour la Démocratie et le Progrès(CDP). Blaise Compaoré va-t-il modifier encore la constitution pour se représenter ? Qui peut-être le candidat du CDP si le Président décide enfin de se retirer après plus d’un quart de siècle de règne ? Le pays n’est-il pas menacé par une crise si la question de la modification de l’article 37 de la constitution est mise sur la table ? Les opposants sont-ils capables de jouer le jeu démocratique ? Et le peuple, de quel côté est-il ?

Telles sont les questions que l’on ne peut plus éluder.

2015 où la chute d’un clan ?

S’il y a un dilemme qui menace le sommeil des grands ténors du CDP aujourd’hui, c’est bien celui de choisir entre la modification de la constitution et le départ du président Compaoré.

La modification de la constitution quel qu’en soit le moyen utilisé (référendum ou vote à l’assemblée) est un risque majeur de soulèvement populaire. Dans un pays où personne n’a plus peur de l’autorité étatique, il serait donc dangereux de choisir cette voie. D’ailleurs personne ne sait aujourd’hui jusqu’où peut aboutir la contestation du sénat engagée par l’opposition et une partie de la société civile.

Ne pas modifier la constitution supposerait un départ de Blaise Compaoré. Mais comment peut-on imaginer une telle situation si à un an et demi de 2015 aucune voix ne se lève au sein du parti pour parler d’un éventuel candidat ?

Il serait trop tôt pour évoquer une division mais on peut cependant parler de crise au sein du CDP. La jeune génération conteste l’autorité actuelle du parti. Les géniteurs du CDP aujourd’hui évincé (Roc M. Kaboré, Simon Compaoré, Salif Diallo, Juliette Bonkoungou) ne vont-ils pas quitter totalement les rangs du parti ? A vrai dire, si le tournant de 2015 est incertain pour le pays, il l’est encore plus pour le CDP.

Jusqu’où ira l’opposition ?

A faire le bilan des actions de l’opposition depuis que l’alternance est arrivée en son sein suite aux élections de décembre dernier, on se dit que « c’est pas mal ». Elle affiche une unité, tant bien que mal. Certains partis ont déjà lancé la rédaction de leur projet politique pour 2015.

Cependant l’ombre de la désunion et des conflits de leadership n’a pas disparu.

Le leader de l’UPC (Union Pour le Changement), Zéphirin Diabré, qui tient la tête de l’opposition semble travailler pour une opposition plus unie et plus forte. Il est même apprécié par une grande partie de l’opinion publique. Mais, un ancien ministre du président Compaoré peut-il conduire l’opposition pour vaincre le CDP ? Sans doute, pourquoi pas ? Il saura déjouer les glissades politiques mais pas la manipulation ethnique ! En décembre 2012 quand je suis allé accomplir mon devoir politique, j’ai surpris une conversation entre deux dames. La première avouait qu’elle allait voter UPC et la deuxième lui rétorquait que le leader de l’UPC est un Bissas (ethnie du Centre Est du Burkina qui n’a pas bonne réputation auprès des Mossés qui sont majoritaires dans le pays). Aussitôt la première dame changea sa décision de vote, vers un autre parti. C’est donc dire que le Burkina n’est pas à l’abri des votes ethniques. Au grand bonheur de certains manipulateurs politiques !

Avec cette donnée, l’opposition devra se préparer à trouver un candidat unique et consensuel. Ce qui augure de belles bagarres…

ADF-RDA : Mouvance ou opposition ?

La troisième force politique du pays, après le CDP et l’UPC, est l’ADF-RDA (L’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain) qui « s’était » ralliée au parti au pouvoir. Cette alliance semble se fragiliser car n’étant pas dans le gouvernement actuel, l’ADF-RDA a même voté contre la création du sénat. Son leader Gilbert Noel Ouédraogo a évincé le candidat du parti au pouvoir à la mairie de Ouahigouya. On est à même de se poser la question si le divorce n’est pas consommé entre ces anciens alliés.

Il est vrai que Gilbert Noel Ouédraogo semble être charismatique, mais son lien très étroit avec son père, qui a amitié avec le pouvoir en place, lui donne une indépendance limitée. L’échéance de 2015 risque d’être pour lui l’année de la vérité. Va-t-il enfin se décider et se faire une opinion claire ou bien sera t-il toujours dans le « flou politique » ?

Ce que veut le peuple intègre

460 dollars par habitant (2010) comme revenu annuel moyen,660 000 cas de décès dus au paludisme par an, des milliers de diplômés des écoles arabo-françaises laissés à eux-mêmes, des crises universitaires à répétitions, une délinquance juvénile en pleine croissance, une inflation des prix des produits de première nécessité, une croissance économique « accroissant » les inégalités et la pauvreté , une corruption croissante dans toute les sphères de la vie publique… Voilà la vie du peuple burkinabè.

Le projet politique qu’attend le peuple burkinabè c’est la séparation entre le Big Business et le Big Government,une égalité de chance dans les affaires. C’est ainsi que les vrais entrepreneurs que sont les commerçants ambulants, les vendeuses de galettes, les balayeuses de rues… accepteront quitter le secteur informel pour rejoindre celui formel pour contribuer à un essor industriel et économique du pays. Le peuple burkinabè veut que l’Etat qui se dit à la fois médecin, pompier, enseignant, commerçant, soldat, juge, imam, pasteur , prêtre, chercheur, sage femme, éducateur social,… reconnaisse qu’il est incapable d’assumer toutes ces taches et qu’il se contente seulement de s’occuper de ses rôles centraux que sont la justice et l’équité. L’année 2015 pour le peuple burkinabè doit-être celle de la fin de « l’irresponsabilité » des politiciens qui au nom de leurs intérêts égoïstes font porter le lourd fardeau de leur incompétence au « peuple intègre ».

Il sera donc, illogique, que l’ont soit opposant ou parti au pouvoir, de croire que 2015 sera un tournant sans le peuple.

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