Adama Ye est un artiste plasticien marionnettiste, âgé d’une trentaine d’années. Il nous raconte son métier au cours d’une visite de ses productions dans la province des Balee, à mi-chemin des capitales politique et économique du Burkina Faso, respectivement Ouagadougou et Bobo Dioulasso. Interview.
Durant sa jeunesse, Adama Ye a fait partie de plusieurs groupes de danseurs de dodo (masques) pendant les périodes du mois de jeûne du Ramadan. Nous sommes allés à la découverte de cet artiste.
Afrik.com : Vous êtes artiste plasticien marionnettiste, d’où est venu cette envie d’évoluer dans ce domaine ?
Adama Ye : En réalité, c’est en 1998 que j’ai rejoint le groupe de l’association des grandes personnes Afrique. Après avoir intégré cette compagnie de 2003 à 2007, en tant qu’artiste-comédien-acrobate ainsi que régisseur général, j’ai découvert que j’avais du potentiel sur le plan artistique. J’ai alors décidé de partir à la rencontre d’autres mondes c’est-à-dire animer des ateliers auprès de toutes les générations d’âges, avec le papier mâché et la terre comme outils de réalisation.
Afrik.com : Comment se passe la confection et combien de temps peut-elle prendre ?
Adama Ye : Pour fabriquer un masque, j’utilise la terre et du papier mâché ainsi que des objets de récupération. Je travaille sur des modules et par tranches d’âge et cela me prend tout mon temps. Pour une production d’une marionnette de 4 mètres 30 de hauteur et moins de 20 KG, il me faut trois semaines de travail intense. J’ai, en ce moment, en ma possession, sept marionnettes faisant entre 4 mètres 80 et 5mètres 30 de hauteur.
Afrik.com : Quel est votre souhait le plus cher dans ce domaine ?
Adama Ye : J’aimerais voir un jour l’art plastique faire partie du programme éducatif de l’enseignement de base, et ce, partout dans le monde. C’est mon voeu le plus cher et je lutte en ce sens.
Afrik.com : Si vous n’étiez pas marionnettiste, quel métier auriez-vous pu faire ? Rencontrez-vous des difficultés dans votre métier actuel ?
Adama Ye : J’aurais voulu être médecin pour aider l’humanité toute entière. Les difficultés dans mon métier sont variées et multiformes. Je dirai que le milieu artistique au Burkina Faso est à l’image d’une organisation mafieuse : mensonges, trahisons, vols… Les clans ne manquent pas d’ailleurs. Je n’aime pas le mot artiste, car tout le monde est artiste à sa manière, mais c’est la façon de rendre l’oeuvre qui élève la personne de son rang. Je m’auto-produis et ce que je perçois est très minime comme revenu. Je vous avoue que ce n’est pas du tout facile et ce qui est dommage, c’est que tout le monde apprécie le travail d’un artiste, mais en ignorant l’artiste dans son ensemble.
Afrik.com : Pensez-vous pouvoir réaliser vos projets dans ce domaine ?
Adama Ye : Je crois pouvoir mettre en place une école dans mon village, car peu sont ceux qui y pensent.
Afrik.com : On décèle une certaine fierté dans votre travail malgré les difficultés…
Adama Ye : Je vis d’amour et de mes petites bricoles de gauche à droite, mais ce que je trouve très dommage est que tout le monde apprécie de manière générale les œuvres des artistes, mais ne se soucie pas de leur vie.
Afrik.com : Un mot pour terminer…
Adama Ye : J’ai toujours comme dernier mot mon cri de lutte, c’est-à-dire l’intégration des artistes et artisans au sein de l’éducation de base afin que nous ayons de meilleures conditions de vie dans la perspective d’un monde meilleur et juste.