
Au Burkina Faso, la justice a ouvert une enquête après la diffusion de messages incitant à la haine et appelant à l’extermination des Peuls sur les réseaux sociaux.
La justice burkinabè a annoncé l’ouverture d’une enquête suite à la diffusion de messages de haine et d’appels au meurtre visant la communauté peule sur les réseaux sociaux. Une initiative qui survient alors que des exactions contre cette population ont été signalées, notamment dans la région de Solenzo.
Des messages haineux sous le viseur de la justice
Le procureur du Tribunal de grande instance de Ouagadougou, Bakouli Blaise Bazié, a annoncé le 21 mars dernier l’ouverture d’une enquête visant à identifier et poursuivre les auteurs de publications incitant à la violence contre une communauté précise. Selon le magistrat, ces messages circulant sur Facebook appellent explicitement à l’extermination des Peuls, une ethnie régulièrement stigmatisée au Sahel.
Des slogans comme « Opération zéro peul dans les 45 provinces du Faso » ont été relevés, mettant en évidence une incitation à la haine d’une gravité sans précédent. Le procureur a rappelé que de tels actes étaient passibles de lourdes sanctions selon le code pénal burkinabè.
Solenzo : un massacre qui ravive les tensions
L’ouverture de cette enquête intervient dans un climat d’extrême tension, suite à une expédition punitive contre des Peuls à Solenzo, dans l’ouest du pays. Le 10 mars dernier, plusieurs villageois peuls ont été capturés, ligotés et molestés par des bataillons d’intervention rapide et des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP). Des images de ces violences ont été largement partagées sur les réseaux sociaux, suscitant à la fois indignation et nouvelles incitations à la haine.
Les autorités burkinabè ont nié toute implication dans ces massacres, mais la communauté internationale, à travers l’Union africaine, a dénoncé « une violation flagrante des droits humains« . L’envoyé spécial de l’UA pour la prévention du crime de génocide, Adama Dieng, a fermement condamné ces actes, soulignant qu’ils ont coûté la vie à de nombreux innocents, y compris des enfants.
Un contexte explosif de violences communautaires
Depuis plusieurs années, la communauté peule est particulièrement vulnérable au Burkina Faso. Elle est souvent accusée de soutenir les groupes djihadistes qui déstabilisent le Sahel, une stigmatisation qui alimente les violences à son égard. Le pays, dirigé par une junte militaire depuis septembre 2022 sous l’autorité du capitaine Ibrahim Traoré, peine à contenir l’insécurité grandissante. Selon l’ONG Armed Conflict Location & Event Data (Acled), plus de 26 000 personnes ont trouvé la mort dans les conflits au Burkina Faso depuis 2015, dont près de la moitié après le coup d’État de 2022.
Face à cette situation, l’enquête annoncée par la justice burkinabè est perçue comme une tentative de freiner la propagation des discours haineux. Reste à voir si elle aboutira à des sanctions effectives contre les auteurs de ces messages et si elle contribuera à restaurer un climat de cohésion sociale dans un pays meurtri par les conflits communautaires.