La manifestation du 18 janvier à laquelle une « très large » coalition d’opposants avait appelé le peuple burkinabè a-t-elle fait… un flop ? La marche prévue à Ouagadougou n’a regroupé qu’environ 10 000 personnes selon l’AFP… Et les chiffres seraient symboliques dans le reste du pays : 3000 à bobo-Dioulasso, quelques centaines à Banfora, Fada, Bogande, Dori… Pourtant Reuters évoque 500 000 personnes a travers le pays et 250 000 a Ouaga… ce qui serait historique. Duel d’agences? La verite est plus nuancée.
Force est de constater que la grande mobilisation voulue par Zéphirin Diabré, principal leader de l’opposition burkinabè, a connu un certain succès, avec le soutien affiché de plusieurs personnalités politiques récemment détachées de la majorité présidentielle, à commencer par Roch Kaboré, ancien président de l’Assemblée nationale… Mais a-t-elle representé le tournant « historique » annoncé ? Il est possible d’en douter.
Quelques leaders de la société civile, comme le rappeur Smockey, du Balai citoyen, avaient également appelé à manifester. « En avant pour une démocratie vraie, notre nombre est une force » avait ainsi lancé Smockey dans son appel à manifester, suivi par de nombreux jeunes burkinabè, notamment des étudiants de Ouaga II.
Satisfaction pour ce qui concerne l’organisation de la manifestation : aucun incident n’a été à déplorer le long du cortège, ni lors des prises de parole Place de la Nation. « Cette manifestation est autorisée. C’est un signe du degré de maturité de notre démocratie, avait déclaré le Premier ministre Luc Adolphe Tiao, nous souhaitons seulement que tout se passe dans l’ordre et la sécurité.» Satisfaction supplémentaire pour les organisateurs, les manifestants étaient enthousiastes, motivés, engagés, résolus.
Parmi les faiblesses possibles de cette mobilisation « tous contre Compaoré », dont les seuls mots d’ordre étaient : « Non au Sénat, Non à l’article 37, Non à la prolongation du mandat de Blaise Compaoré », on peut évoquer le refus des syndicats de mélanger politique partisane et action sociale, mais aussi, largement, le malaise créé par le ralliement aux opposants de certains « barons » du parti majoritaire, qui il y a quelques semaines saluaient au contraire le bilan du Chef de l’Etat, et dont la crédibilité dans leur nouveau credo n’est donc pas très grande. Roch Kaboré appelle ainsi à l’alternance et au changement de politique « tout en préservant les acquis »…
Autre faiblesse dénoncée : la pauvreté des propositions concrètes d’une opposition qui semble n’avoir pour seul programme de gouvernement que le remplacement du Président… Ce qui constitue un argument un peu court, face aux résultats affichés par la politique économique et sociale menée ces dernières années au Burkina : plus de 9% de croissance en 2012, une prévision de 10,4% de croissance en 2013, les lauriers du FMI et de la BAD pour la bonne gestion des fonds publics et les réformes engagées…
Dans une bonne partie de la population burkinabè, la lutte des politiques pour le pouvoir et leur danse autour du Palais de Kosyam apparaît surtout comme une joute fratricide sans réel enjeu… Sinon des calculs personnels qui, jusqu’a aujourd’hui ne ralliaient pas les foules. Il faudrait peut-être à l’opposition un autre discours économique et social pour que les citoyens s’engagent massivement à ses côtés.
Il faut également noter un point important dans cette journée du 18 janvier : le silence et la réserve de l’armée qui ne se mêle nullement du débat démocratique burkinabè, signe la encore d’une grande maturité civique de la part de la « grande muette »…
Les fortes pluies, anachroniques en cette saison, avaient peut-être aussi contribué à perturber la mobilisation… Signe du ciel? Les uns parlent de bénédiction divine, les autres de signe funeste… Comme quoi les auspices sont encore plus difficiles à interpréter que les manifestants a compter !