Burkina Faso : Jean Emmanuel Ouédraogo nommé Premier ministre dans un contexte politique instable


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Jean Emmanuel Ouédraogo
Jean Emmanuel Ouédraogo

Le Président de la transition du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, a nommé le journaliste Rimtalba Jean Emmanuel Ouédraogo au poste de Premier ministre. Ce changement de leadership intervient dans un contexte de turbulences politiques, marquées par des coups d’État successifs et des transitions gouvernementales en cascade. Jean Emmanuel Ouédraogo remplace ainsi Apollinaire Joachimson Kyélem de Tambèla, qui était en fonction depuis octobre 2022, et dont la révocation, tout comme la dissolution de son gouvernement, a suscité de nombreuses interrogations.

Jean Emmanuel Ouédraogo, une figure bien connue dans le pays, est un journaliste de formation et a occupé des postes de responsabilité, notamment en tant que ministre de la Communication, de la Culture, du Tourisme et des Arts. Avant sa nomination, il a été un acteur important du gouvernement de transition dirigé par le capitaine Traoré depuis 2022. Avant de rejoindre la politique, Ouédraogo avait exercé son métier de journaliste à la Radiodiffusion Télévision du Burkina (RTB).

Un limogeage sans explication

La décision de limoger Apollinaire Kyélem de Tambèla, avocat et ancien Premier ministre, a été prise sans explication claire, laissant place à de nombreuses spéculations. Le décret qui a mis fin à ses fonctions a été lu à la télévision nationale par le Secrétaire général du gouvernement, Mathias Traoré. Le décret, succinct, n’a fourni aucune justification officielle pour cette décision, ce qui a naturellement alimenté les interrogations sur les raisons de ce limogeage soudain.

La fin du mandat de Kyélem de Tambèla survient dans un contexte de forte instabilité politique, après deux coups d’État successifs. En janvier 2022, le Burkina Faso a connu son premier coup d’État, renversant le Président Roch Marc Christian Kaboré et permettant à Paul-Henri Sandaogo Damiba de prendre le pouvoir. Ce dernier a lui-même été renversé en septembre 2022 par un autre coup d’État mené par le capitaine Ibrahim Traoré, qui a pris les rênes du pays. Ce climat de transitions militaires constantes pèse lourdement sur la gouvernance et la capacité à maintenir une politique cohérente et stable.

Des spéculations sur les raisons du limogeage

Le limogeage de Kyélem de Tambèla a soulevé plusieurs questions parmi les observateurs. Pourquoi cette décision a-t-elle été prise maintenant, et quels étaient les motifs derrière la révocation d’un Premier ministre qui semblait avoir l’appui de la junte militaire au pouvoir ? Les analystes se demandent si ce départ est lié à des divergences internes au sein du gouvernement, à des tensions avec le Président Traoré, ou encore à des désaccords sur la gestion de la transition.

Le limogeage de Kyélem de Tambèla intervient à un moment où ce dernier venait de lancer une initiative significative : la collecte des archives et documents relatifs à la Révolution sankarienne de 1983, un processus qui vise à réhabiliter la mémoire du Président Thomas Sankara et à restaurer les idéaux de la révolution populaire. Ce projet, prévu pour se dérouler tout au long du mois de décembre 2024, pourrait-il être un facteur dans la décision de mettre fin à ses fonctions ? Bien que ce lien ne soit pas confirmé, il est possible que des différences d’approche sur la politique historique et mémorielle aient joué un rôle dans ce limogeage.

Une transition incertaine

Cette nouvelle nomination arrive alors que le Burkina Faso traverse une période extrêmement complexe. La gestion des coups d’État successifs, l’instabilité militaire et la situation sécuritaire délétère, exacerbée par les attaques terroristes dans le Nord et l’Est du pays, laissent planer une incertitude quant à la direction que prendra la transition politique. Le pays fait face à des défis de taille, notamment le renforcement de la sécurité intérieure, la réconciliation nationale et la restauration de la confiance envers les institutions publiques.

Le Burkina Faso s’inscrit ainsi dans un contexte régional où plusieurs pays connaissent des transitions militaires similaires. Le Mali, par exemple, a connu un limogeage comparable avec la destitution de son Premier ministre, Choguel Maïga, qui a vivement critiqué la junte militaire au pouvoir. Cependant, contrairement à Maïga, la révocation de Kyélem de Tambèla n’avait pas été précédée par une crise médiatique ou des tensions publiques apparentes.

Les attentes de Jean Emmanuel Ouédraogo

La nomination de Jean Emmanuel Ouédraogo comme Premier ministre est un signe de continuité dans la politique de la junte militaire dirigée par Ibrahim Traoré. En tant qu’ancien ministre de la Communication, Ouédraogo est perçu comme un technocrate capable de naviguer dans les eaux troubles de la politique burkinabè. Cependant, sa nomination suscite également des attentes élevées concernant son rôle dans la réconciliation nationale et la gestion de la transition politique, surtout au vu de la complexité de la situation sécuritaire et socio-économique.

La gestion des relations avec les forces vives du pays, le renforcement de la lutte contre le terrorisme, ainsi que la mise en place de réformes politiques essentielles seront au cœur des défis qui attendent le nouveau Premier ministre. Son parcours dans les médias et son implication dans la gestion de la communication publique pourraient lui offrir un atout précieux pour apaiser les tensions et restaurer une certaine cohésion sociale au sein du pays.

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