Au terme du premier jour de ses concertations, le président burkinabè Blaise Compaoré a convaincu les militaires d’arrêter leur mouvement. Mais il semble s’être mis à dos le corps judiciaire qui maintient sa principale revendication : la réincarcération des militaires condamnés. Les magistrats poursuivent leur arrêt de travail alors que l’opposition politique, elle, exige le départ du chef de l’Etat.
De notre correspondant
Les Burkinabè ont dormi tranquille la nuit dernière. Aucun coup de feu n’a été tiré. Reçus par Blaise Compaoré, jeudi, quelque 150 militaires de rang, venus au nom de leurs collègues de toutes les garnisons du pays, ont annoncé la fin de leur mutinerie. « Les manifestations sont finies, n’ayez pas peur. La population peut rester tranquille », ont-ils laissé attendre à la presse. Tout enthousiastes d’avoir trouvé une oreille attentive auprès de Blaise Compaoré, les mutins ont, à propos des doléances qu’ils ont soumises au Chef de l’Etat, invoqué le « secret d’Etat ». Mais selon des indiscrétions, les militaires auraient exposé à Blaise Compaoré des revendications liées à la prise en charge alimentaire, à la prime au logement, au problème de commandement, et surtout à la libération de leurs compagnons emprisonnés pour des affaires de mœurs.
Ça bloque avec les magistrats
Si Blaise Compaoré semble avoir réussi à tempérer les ardeurs des militaires mutinés, il aura besoin de tous ses talents de facilitateur pour ramener la sérénité chez les magistrats et autres avocats. Leur entrevue d’hier a, selon toute vraisemblance, tourné court, malgré les garanties sécuritaires et l’engagement de réhabiliter les tribunaux saccagés. Les négociations ont achoppé sur la question de la réincarcération des militaires qui ont été libérés par le gouvernement, pour les uns, et par les soldats, pour les autres. Selon le ministre de la Justice, Jérôme Traoré, Blaise Compaoré a fait comprendre aux magistrats et aux auxiliaires de justice « la complexité de la situation», mais que des « solutions idoines leur seront signifiées dans les meilleurs délais ».
Cette proposition a davantage irrité les juges et avocats burkinabè, en cessation de travail depuis le 24 mars. « Pas question d’une reprise de travail. A la rencontre avec le Chef de l’Etat, aucune réponse satisfaisante n’a été apportée à nos revendications», a expliqué au quotidien L’Observateur Paalga, René Bagoro, le secrétaire général du syndicat burkinabè des magistrats. Conséquence de cette impasse, l’ensemble des syndicats des magistrats et auxiliaires de justice, ont prolongé leur décision d’arrêt du travail. « Nous avons reçu des textos de nos responsables nous disant que la lutte continue. Il est inacceptable que des décisions de justice soient cassées à coups de roquettes. Si même le Chef d’Etat major de l’armée n’est pas en sécurité et est obligée de se réfugier dans un camp de gendarmerie, ce n’est pas nous juges qui serons en sécurité », s’inquiète un magistrat.
Appel à la démission de Blaise Compaoré
Pris entre le marteau et l’enclume, le Chef de l’Etat burkinabè ne semble pas au bout de ses peines. Il a été défié ce jeudi par une partie de l’opposition. Dans une lettre ouverte adressée à Roch Marc Christian Kaboré, Président de l’Assemblée Nationale, Me Bénéwendé Stanislas Sankara, le Chef de file l’Opposition, a exigé sa démission. Concluant à « l’impuissance du Chef de l’Etat d’assumer ses fonctions constitutionnelles », Me Sankara, au prétexte qu’il y a « une vacance du pouvoir », a tenu Blaise Compaoré responsable des événements actuels au Burkina Faso. Ces événements, a-t-il signifié entre autres, « attestent de la totale démission du chef de l’Etat qui, en tant que chef suprême des armées, ne peut se soustraire de sa responsabilité constitutionnelle des actes de mutineries répétées, de vandalisme, de vols et d’agressions perpétrées contre de paisibles citoyens.»
Cet appel à la démission de Blaise Compaoré est le deuxième émis par l’opposant en moins de dix jours. Le premier, proféré vendredi dernier, avait été jugé « ridicule » par Roch Marc Christian Kaboré, le Président du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), le parti au pouvoir. Celui-ci pourrait aussi subir le même sort. Lundi prochain, plusieurs partis d’opposition prévoient de livrer leur position sur la situation nationale.
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