Selon des ministres du Burkina Faso et du Bénin, la réunion tenue dernièrement en vue d’apaiser les tensions qui règnent dans une région source de litiges, située le long de leur frontière commune, a permis de résoudre la question pour de bon.
« A partir de maintenant, la situation va changer radicalement (…) Depuis plus de 10 ans, nous avons des difficultés à gérer cette région, en raison des différences d’interprétation juridique qui nous opposaient à nos frères béninois », a expliqué Clément Sawadogo, ministre burkinabè de l’Administration territoriale et de la décentralisation (MATD).
« Notre décision de gérer cette zone intelligemment en prenant des mesures pour la gestion concertée, pacifique et apaisée de cette localité est un fait historique », a ajouté M. Sawadogo.
Les délégations de haut niveau, qui se sont réunies le 7 mars à Porga, dans le nord du Bénin, se sont engagées à ce qu’aucun des deux pays n’accomplisse « d’acte de souveraineté visible » dans cette zone de 68 kilomètres carrés, qui englobe trois villages : Koalou, Niorgou I et Niorgou II.
Parmi les actes proscrits : la construction de bases paramilitaires ou de commissariats de police, et le hissage de drapeaux, quels qu’ils soient, dans la zone. Les populations de la région seront également autorisées à voter dans le pays de leur choix, pouvait-on lire dans le dernier communiqué publié au cours de cette réunion d’un jour.
Les deux pays ont également convenu de relancer, d’ici au mois de juin de cette année, les travaux de la commission mixte paritaire à la frontière, chargée de superviser les opérations menées conjointement pour la construction d’infrastructures.
Les délégations ont noté que, faute d’une clarification juridique, le Bénin et le Burkina Faso n’avaient pas investi dans la construction d’infrastructures sociales de base dans la région.
« Ce sera un bon exemple pour le reste de l’Afrique, où les conflits frontaliers sont souvent résolus par les armes. Nos chefs d’Etat ont dit “non” aux armes », s’est félicité le général Félix Hessou, ministre béninois de la Sécurité publique, à la suite de la rencontre.
« Les deux pays ont des ambitions pour cette région […] celui d’entre eux qui peut construire une école devrait le faire. Nous avons besoin de connaissance ; pourquoi devrions-nous priver les populations d’une école à cause d’une ligne imaginaire qui sépare nos deux pays ? », a demandé M. Hessou.
Un conflit évité
Le Bénin et le Burkina Faso ont failli entrer en conflit en 2005 lorsque le proviseur d’une école construite par le Burkina Faso dans la zone litigieuse avait été expulsé. Les tensions étaient telles que la réunion prévue par la commission mixte pour délimiter la frontière avait été annulée.
En 2007, les tensions s’étaient ravivées lorsqu’un habitant de la région litigieuse avait été transporté dans une prison béninoise, où il avait ensuite fini par mourir.
La réunion du 7 mars a eu lieu à la suite d’accusations portées par les autorités locales des villages litigieux et selon lesquelles des forces de sécurité non identifiées harcèleraient leurs administrés. Pour prévenir les violations de sécurité et protéger les civils qui se plaignent de harcèlement, des équipes de sécurité mixtes patrouilleront le long de la frontière, conformément aux mesures décidées au cours de la dernière réunion.
Les populations de la zone restent néanmoins sceptiques. « Je me réjouis d’entendre ce discours, mais je veux qu’il soit suivi d’actes », a déclaré Roger Thiombiano, membre du conseil municipal de la ville de Pama, dans l’est du Burkina Faso.
« On ne sait pas encore si demain ou après-demain, il ne va pas y avoir autre chose, parce qu’on nous a dit les mêmes choses par le passé, et aujourd’hui, on nous harcèle et il arrive parfois que les populations ne puissent pas traverser la frontière », a ajouté M. Thiombiano.
L’héritage des colons
Conformément à un décret daté du 22 juillet 1914, le territoire du Burkina Faso (autrefois connu sous le nom de Haute-Volta) est délimité par la Pendjari, sa frontière naturelle. Selon cet accord, le village de Koalou appartient au Burkina Faso. Les autorités béninoises disposent néanmoins d’un document signé par un administrateur colonial en 1938 et qui accorde au Bénin la propriété de ce territoire litigieux.
L’année dernière, le Burkina Faso et le Niger, son voisin au nord, avec lequel il partage 600 kilomètres de frontière, ont soumis un différend frontalier au jugement de la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye. Des accusations sont régulièrement portées par les autorités des deux côtés de la frontière, selon lesquelles leurs administrés seraient maltraités et harcelés.
Deux guerres ont également opposé le Burkina Faso et le Mali en 1973 et en 1985, avant que les deux pays ne résolvent leur conflit frontalier dans les années 1990, également par l’intermédiaire de la CPI.
Le Burkina Faso a obtenu son indépendance de la France en 1960. La plupart des difficultés auxquelles le pays a été confronté alors qu’il tentait de délimiter ses frontières découlent de la décision de la France de démanteler le territoire de l’ancienne Haute-Volta, en 1933, pour le distribuer à ses voisins. Le pays a ensuite été réhabilité en 1947, à la suite de protestations émanant de chefs traditionnels locaux.