
Une série d’arrestations d’officiers secoue l’armée burkinabè, ravivant les soupçons d’un coup d’État manqué. Alors que la junte reste silencieuse, le climat politique se tend, entre purges internes, défiance croissante et inquiétudes sur la stabilité du pays.
Le Burkina Faso traverse une nouvelle zone de turbulences. Plusieurs officiers supérieurs des forces armées ont été arrêtés au cours de la semaine écoulée, sans qu’aucune communication officielle n’ait été faite. Dans un climat de rumeurs persistantes autour d’un complot contre le pouvoir de transition, les soutiens de la junte parlent d’une tentative de coup d’État orchestrée en partie par des militaires en exil. Entre silence des autorités, remplacements précipités et tensions internes, l’armée burkinabè semble à nouveau au cœur d’une tempête politique.
Des arrestations qui alimentent les spéculations
Parmi les officiers arrêtés figurent des noms de premier plan, comme le magistrat-commandant Frédéric Ouédraogo, ancien chef du bataillon de la Justice militaire. Ce dernier aurait enquêté sur la mort controversée du commandant Ismaël Touhogobou, abattu en octobre 2023 lors d’une interpellation liée, elle aussi, à une supposée tentative de renversement. Autre figure interpellée : le capitaine Elysée Tassembedo, surnommé « le libérateur de Sebba », alors qu’il se trouvait à Ouagadougou pour une réunion à l’état-major. À ce jour, aucune version officielle n’a été livrée, laissant la place à des interprétations multiples et souvent contradictoires.
Les autorités de transition, dirigées par le capitaine Ibrahim Traoré, ont agi avec rapidité en remplaçant les officiers mis en cause. Mais ces décisions ne dissipent pas les doutes : s’agit-il de purges préventives ou d’une réponse à une menace réelle ? Selon des partisans du pouvoir, il s’agirait d’un nouveau coup d’État avorté, possiblement lié à d’anciens officiers radiés ou en exil. Le climat au sein des forces armées s’en trouve d’autant plus tendu, entre méfiance, surveillance accrue et guerre de l’ombre entre factions rivales.
Un pouvoir en quête de contrôle absolu
Cette vague d’arrestations intervient dans un contexte politique particulièrement crispé. Récemment, le capitaine Traoré déclarait ouvertement que le Burkina Faso n’était « pas une démocratie » mais une « révolution progressiste populaire », rejetant ainsi tout modèle occidental de gouvernance. Une posture qui se reflète aussi dans la liste noire publiée début avril par le ministère de la Sécurité : une trentaine de noms, allant de chefs djihadistes à des journalistes, figures politiques et personnalités civiles, tous qualifiés « d’ennemis de l’intérieur ou de l’extérieur ». Une démonstration de force qui alimente la peur et réduit davantage l’espace du débat public.
Si la transition militaire a été initialement saluée pour son discours anti-corruption et sécuritaire, les récents développements témoignent d’une fracture de plus en plus profonde au sein même de l’institution militaire. À mesure que les arrestations se multiplient, les risques de déstabilisation interne augmentent. Et avec eux, la crainte que l’armée, pilier du régime, devienne elle-même un champ de bataille politique. Dans un pays déjà fragilisé par l’insécurité, cette instabilité interne pourrait avoir des conséquences désastreuses.