Burkina Faso : Amélie Sorgho est Miss Poog-beêdre 2004


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Amélie Sorgho dans le défilé

Avoir la peau noire n’est pas une tare. C’est le message que veut faire passer Amélie Sorgho, élue fin décembre Miss Poog-beêdre 2004. La reine de beauté des femmes rondes du Burkina Faso revient pour Afrik.com sur les bienfaits du concours, sur son engagement pour faire reculer cette pratique et sur ce que participer à l’élection lui a apporté.

1,72 m, 110 kilos, Amélie Sorgho est Miss Poog-beêdre 2004. Le principe de cette élection burkinabé étant de couronner la beauté des filles bien en chair. Lors de cette manifestation annuelle, ce sont en effet les femmes corpulentes qui sont à l’honneur. Lors de la deuxième édition, le 10 décembre dernier, les neuf membres du jury ont sélectionné Amélie Sorgho, qui se présentait pour la deuxième fois. Elle succède ainsi à Carine Riragendawa. « Elle a marqué des points grâce à ses très belles tenues traditionnelle et africaine et grâce à son sourire et sa démarche », confie Joséphine Fatou Djiguimdé, présidente du comité d’organisation et initiatrice de l’initiative. Ce qui n’a pas manqué d’attirer l’attention, c’est aussi que cette jeune fille de 24 ans, étudiante en deuxième année de lettres modernes à l’université de Ouagadougou, s’est engagée lors de l’élection à combattre l’éclaircissement de la peau. Notamment parce qu’elle pense qu’une belle femme « est une femme naturelle ». Amélie Sorgho revient sur les bienfaits du concours Miss Poog-beêdre, qui connaît des déclinaisons dans d’autres pays de la sous-région, et sur les difficultés rencontrées lors de son combat contre les produits éclaircissants.

Afrik.com : Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez remporté votre couronne ?

Amélie Sorgho :
J’ai été très contente, cela a été une grande surprise pour moi. Je pensais bien finir dans le trio de tête, mais je guettais la couronne (rires)!

Afrik.com : Que pensez-vous que l’élection Miss Poog-beêdre apporte à la femme ?

Amélie Sorgho :
Quand on parle des élections de miss, on ne voit que ce qui se passe en Occident, où concourent des filles minces. Mais je pense que la femme africaine doit être corpulente. Ce concours est une bonne initiative pour nous mettre en valeur nous aussi, qui étions un peu marginalisées. Ce concours est pour nous une façon de nous exprimer.

Afrik.com : Quelles conditions fallait-il remplir pour pouvoir être sélectionnée ?

Amélie Sorgho :
Il fallait faire au moins 80 kilos et avoir le teint naturel, c’est-à-dire non dépigmenté. La taille ne comptait pas tellement, c’était surtout la corpulence qui primait. Et, bien sûr, s’il y a avait d’autres atouts physiques, c’était aussi un atout.

Afrik.com : Pensez-vous que ce concours a permis à des femmes corpulentes de décomplexer ?

Amélie Sorgho :
Il est efficace car, lorsque nous répétions pour l’élection, certaines expliquaient qu’elles étaient complexées à cause de leurs formes et déçues de ne pas pouvoir porter des vêtements qu’elles voyaient sur des filles minces. Mais avec ce concours, elles ont compris qu’il n’y a pas que les femmes minces qui sont belles et que les femmes grosses peuvent l’être tout autant.

Afrik.com : Avez-vous vous-même été complexée par vos rondeurs ?

Amélie Sorgho :
Franchement non. J’ai toujours été comme ça, même petite. Et puis pratiquement toutes mes tantes sont comme ça. Par moments, cela m’a traversé l’esprit de maigrir, mais je sais aussi que cela ne se fait pas du jour au lendemain et qu’il faut s’accepter tel que l’on est. Mais il est vrai que ça me fait, parfois, un peu mal de ne pas pouvoir porter des tenues que je trouve jolies.

Afrik.com : Les hommes africains sont réputés pour apprécier les femmes bien en chair. Est-ce qu’avec l’influence de l’Occident change les canons de la beauté dans le pays ?

Amélie Sorgho :
L’Occident a en effet une influence sur le regard des hommes. Mais la plupart d’entre eux ne voient pas les femmes minces et préfèrent les femmes rondes.

Afrik.com : Vous avez défilé en tenues africaine et traditionnelle, mais aussi en « tenue de la vérité ». De quoi s’agit-il exactement ?

Amélie Sorgho :
Cette tenue est cousue dans un pagne de chez nous, wax ou autre, et a la particularité d’être moulante.

Afrik.com : Il n’y a pas eu de passage en maillot de bain pendant le concours ?

Amélie Sorgho :
(Gênée) Avec nos rondeurs, ce n’est pas évident. Par ailleurs, cela aurait pu causer des problèmes : la société n’est pas habituée à ce genre d’exhibition.

Afrik.com : Pourquoi avoir choisi de lutter contre l’éclaircissement de la peau ?

Amélie Sorgho :
Tout ce qui est produit dépigmentant a des conséquences négatives et j’ai remarqué que de plus en plus au Burkina, comme en Afrique en général, les femmes utilisent ce type de produits, censé les embellir, mais qui n’arrange pas leurs problèmes et peut même causer des complications mortelles.

Afrik.com : Vous n’avez donc jamais pensé à vous éclaircir ?

Amélie Sorgho :
Non, jamais. Je suis consciente des conséquences que cela peut entraîner. D’ailleurs, en général, les femmes qui sont allées à l’école ne le font pas à cause des dangers.

Afrik.com : Quelles sont vos actions pour faire reculer la pratique de l’éclaircissement de la peau ?

Amélie Sorgho :
Lors de l’élection, j’ai appelé les producteurs de karité à mettre leurs produits en avant pour contrecarrer les produits éclaircissants. J’ai même fait appel au ministre de la Santé, qui ne m’a toujours pas donné de réponse. Mais nous avons besoin de leurs fonds, notamment, pour faire des campagnes de prévention à la télévision, à la radio et sur les panneaux publicitaires. Ce n’est pas facile de faire avancer les choses parce que les gens ne veulent pas mettre la main à la pâte. Le premier pas est le plus dur. C’est vraiment difficile de trouver de l’aide. Il y a beaucoup de publicité pour les produits éclaircissants, mais pas pour lutter contre. Les gens ne s’intéressent pas à ce combat.

Afrik.com : Faites-vous de la prévention de proximité en attendant d’avoir des financements ?

Amélie Sorgho :
Oui. Autour de moi, j’explique les dangers, mais je ne peux pas faire plus. Mais j’ai quand même eu quelques victoires de cette façon, car certaines de mes amies ont laissé les produits éclaircissants. C’est une preuve que le message est passé.

Afrik.com : Comment ont réagi les femmes face à ce combat ? Celles qui s’éclaircissent ne se sont-elles pas senties attaquées ?

Amélie Sorgho :
Celles qui utilisent les produits ne voient pas mon action d’un bon œil, et c’est normal. Car elles estiment que c’est une façon de s’embellir. Les autres femmes m’ont dit qu’elles supportaient mon idée. Mais ce ne sont, jusque-là, que des encouragements verbaux. Il n’y a rien de concret.

Afrik.com : Quelle est votre définition d’une belle femme ?

Amélie Sorgho :
Une belle femme, c’est une femme naturelle, qui ne s’éclaircit donc pas la peau. Elle a un peu de taille (elle a des rondeurs, ndlr) et est ni trop grande, ni trop courte (petite, ndlr).

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