L’ONG de défense des droits de l’Homma dénonce les mariages précoces de centaines de milliers de jeunes filles au Burkina Faso, qui sont considérées encore comme des citoyennes de seconde zone. Pour sensibiliser l’opinion publique sur la question, l’ONG a décidé de lancer une campagne intitulée « Mon corps, mes droits au Burkina Faso ».
Les jeunes filles et femmes considérées comme des citoyennes de seconde zone au Burkina Faso, sont au cœur de la préoccupation de l’ONG Amnesty International. L’ONG de défense des droits de l’Homme dénonce en effet les mariages précoces de centaines de milliers de jeunes filles au pays des hommes intègres. « Le Burkina Faso doit de toute urgence affronter la crise nationale que connaît le pays, plusieurs centaines de milliers de filles et de femmes étant réduites à une citoyenneté de seconde zone, du fait des mariages forcés et précoces, des grossesses non désirées et de l’absence d’éducation sexuelle », a déclaré Amnesty International ce mercredi.
« Une jeune fille qui grandit au Burkina Faso est en butte à de nombreux obstacles »
Afin de remédier aux problèmes auxquels elles sont confrontées, l’ONG a décidé de lancer ce mercredi 15 juillet, la campagne Mon corps, mes droits au Burkina Faso, « accompagnée d’un manifeste pour les droits humains, afin de demander aux candidats aux élections législatives et présidentielles, prévues le 11 octobre 2015, de se positionner plus fermement contre les mariages forcés et précoces et de faciliter l’accès des filles et des femmes à la contraception ainsi qu’aux services et à l’information touchant à la santé sexuelle et reproductive ».
Selon le sénégalais Alioune Tine, directeur régional d’Amnesty international pour l’Afrique pour l’Afrique de l’ouest, « aujourd’hui, une jeune fille qui grandit au Burkina Faso est en butte à de nombreux obstacles qui l’empêchent d’espérer et de réaliser ses rêves. Elle peut être mariée de force par sa famille et, même si elle peut obtenir un moyen de contraception, son partenaire peut refuser de l’utiliser ou ne pas l’autoriser à y avoir recours ».
Pour Alioune Tine, « les autorités burkinabè ne font guère de cas des droits des filles et des femmes depuis trop longtemps. Réparer ce préjudice et lever les obstacles que rencontrent les filles et les femmes doivent figurer au nombre des principaux objectifs de la campagne électorale de tous les candidats. »
Selon le responsable, bien que le droit burkinabè, notamment la Constitution, protège l’égalité des genres mais, dans la pratique, les mutilations génitales féminines, les mariages forcés et précoces ainsi que la violence domestique sont monnaie courante. Des femmes et des filles ont confié à Amnesty International que, bien souvent, les décisions relatives aux grossesses et aux mariages sont prises par les hommes de la famille. D’autant qu’au Burkina Faso, seules 17 % des femmes ont recours à la contraception et plus de 2 000 succombent à des complications liées à l’accouchement chaque année.
Il n’est aussi pas rare que les hommes empêchent leur épouse d’utiliser un moyen de contraception, sous la menace de la violence. Thérèse, une marchande de fruits et mère de trois enfants, de 23 ans, a raconté son témoignage à Amnesty International : « Depuis mon second enfant, je me cache pour prendre la pilule. J’ai opté pour la pilule car c’est moins cher pour moi. Mon mari n’est pas au courant. Il pense que la contraception entraine des maladies et il me dit que, si je tombe malade à cause des produits contraceptifs, il ne me soignera pas. »
Les autorités sommées de réagir
Sans compter qu’un coût élevé des moyens de contraception et l’absence de programme d’éducation sexuelle complet sont d’autres obstacles encore auxquels se heurtent les femmes. Mariama, 24 ans, mère de trois enfants, a expliqué à Amnesty International qu’une éducation insuffisante pouvait entraîner une grossesse non désirée : « Quand j’ai eu la relation et que je me suis trouvée enceinte pour la première fois, je ne savais pas qu’on pouvait l’être après une relation. J’ignorais tout de la contraception. Après la naissance de mon premier enfant, je me suis trouvée enceinte à nouveau. Je ne suivais aucune méthode car je ne les connaissais toujours pas. »
L’ONG précise qu’avec 52 % des filles mariées avant 18 ans et près de la moitié d’entre elles déjà mères à cet âge, le Burkina Faso arrive en sixième position du classement des pays d’Afrique où le taux de mariages précoces est élevé.
Malaika s’est enfuie pour ne pas être mariée de force par ses parents. Elle a raconté à Amnesty International que la police l’avait retrouvée et lui avait dit de retourner chez son père et sa mère : « J’avais 15 ans quand les parents voulaient que j’épouse un vieillard de 75 ans, il est plus âgé que mon père et il a déjà trois épouses et des filles de mon âge. Le jour des présentations, j’ai dit à mes parents que je n’étais pas d’accord avec leur choix et que je voulais terminer ma scolarité. Ils m’ont dit que j’étais obligée d’épouser le mari qu’ils avaient choisi et que je n’avais d’autre choix que d’aller là-bas. »
L’ong incite les futurs responsables du pays à prendre en compte ce fléau, soulignant qu’aujourd’hui, « au Burkina Faso, les filles et les femmes ne sont pas toujours libres de choisir avec qui se marier et quand, ni de décider du nombre et du moment de leurs grossesses. Cette situation doit changer.»