
Des quartiers paisibles de la capitale belge aux zones portuaires d’Anvers, les ramifications de la Mocro Maffia s’étendent désormais en profondeur sur le territoire belge. En toile de fond : trafics de drogue, vengeance et violence à visage découvert. Bruxelles, naguère simple plaque tournante, devient le théâtre sanglant de luttes internes.
Les rafales de kalachnikov et les voitures piégées ne sont plus réservées aux séries policières. Depuis quelques mois, Bruxelles vit au rythme des règlements de compte attribués à la Mocro Maffia, une organisation criminelle née aux Pays-Bas, mais aujourd’hui solidement implantée en Belgique. Ce réseau, constitué principalement de jeunes issus de la diaspora marocaine, est au cœur d’une guerre de territoires dont les enjeux dépassent largement les frontières du plat pays.
Bruxelles, nouvelle zone de tension
Si Anvers, en raison de son port, est depuis longtemps une plaque tournante pour l’importation de cocaïne en provenance d’Amérique latine, Bruxelles semble aujourd’hui prise dans la spirale. En cause : la réorganisation des réseaux, les dissensions internes et la volonté de contrôler les flux et les circuits de redistribution. Résultat : les fusillades se multiplient dans la capitale, jusque dans des quartiers jusqu’alors épargnés, comme Schaerbeek, Molenbeek ou Anderlecht.
Une guerre d’héritiers
Le meurtre de « Noffel », un ancien lieutenant du parrain Ridouan Taghi, en 2023 à proximité de la Gare du Midi, avait déjà marqué un tournant. Mais depuis l’arrestation de plusieurs figures historiques du gang, de jeunes têtes cherchent à faire leur trou, parfois au prix du sang. Des règlements de compte ultra-violents, souvent commis en pleine rue, sèment la terreur. Des témoins évoquent des « commandos » organisés, qui opèrent à moto ou dans des véhicules volés, avant de disparaître dans la nature.
Un message de la mafia ?
Plus inquiétant encore : les lettres de menace, les maisons incendiées et les fausses alertes à la bombe, signes d’une stratégie d’intimidation assumée. Des magistrats, des avocats, voire des journalistes sont désormais sous protection policière renforcée. Le pouvoir judiciaire belge s’alarme d’une « néo-criminalité » qui utilise la terreur comme moyen de régulation interne et de dissuasion externe. Un Commissaire divisionnaire à Bruxelles qui souhaite rester anonyme nous déclare : « Ce n’est plus une criminalité marginale. C’est une structure parallèle avec ses propres lois. Et elle infiltre nos villes. »
Ce phénomène ne se limite pas à la Belgique. Il met en lumière les limites de la coopération policière européenne face à des structures criminelles souples, jeunes, connectées, souvent sans attache locale, mais bien ancrées dans les flux internationaux de la drogue. En mars 2025, la police fédérale belge, en lien avec Europol, a mené une vaste opération conjointe avec les autorités néerlandaises. Bilan : 18 arrestations, mais peu de certitudes sur leur impact à long terme.
Et maintenant ?
Les autorités belges ont récemment annoncé le renforcement des moyens dédiés à la lutte contre le narcobanditisme, avec la création de cellules mixtes d’enquête et l’ouverture d’un parquet spécialisé à Bruxelles. Mais sur le terrain, la peur continue de régner, notamment dans certains quartiers populaires où la Mocro Maffia recrute à visage découvert, en promettant argent, pouvoir et ascension rapide.
Dans cette guerre sans ligne de front, Bruxelles n’est plus un sanctuaire. Elle est devenue un champ de bataille.
Qui est vraiment la Mocro Maffia ?
Née dans les années 2000 dans les quartiers populaires d’Amsterdam et de Rotterdam, la Mocro Maffia est une nébuleuse criminelle composée majoritairement de jeunes Néerlandais d’origine marocaine. À l’origine impliquée dans les petits trafics de cannabis, elle s’est progressivement spécialisée dans le commerce international de cocaïne, s’appuyant sur les ports d’Anvers et de Rotterdam pour acheminer des cargaisons depuis l’Amérique du Sud.
Structurée de manière fluide, sans hiérarchie rigide, la Mocro Maffia fonctionne par cellules autonomes. Elle utilise des méthodes de plus en plus violentes : assassinats ciblés, exécutions en pleine rue, enlèvements, messages codés sur des messageries cryptées comme EncroChat ou Sky ECC… Son ascension a été marquée par une guerre interne sanglante entre plusieurs clans, notamment autour de Ridouan Taghi, considéré comme l’un des cerveaux du réseau, aujourd’hui incarcéré aux Pays-Bas dans des conditions ultra-sécurisées.
Chiffres et témoignages – La Belgique sous tension
- +30% : augmentation des règlements de compte violents en Belgique liés à la drogue en 2024 selon la police fédérale.
- 80 tonnes : volume de cocaïne saisi dans le port d’Anvers en 2023, un record en Europe.
3 fusillades recensées à Bruxelles intra-muros depuis janvier 2025, dont deux à proximité d’établissements scolaires. - 10 mineurs arrêtés en 2024 dans le cadre de filières de « narcodélinquance » recrutées via TikTok ou Snapchat.