La Cour d’assises de Bruxelles a déclaré coupables les deux religieuses accusées d’avoir participé au génocide rwandais qui a fait 800 000 morts en 1994. C’est toute l’Eglise catholique qui sort blessée de ce procès.
Bruxelles, vendredi 8 juin 2001, 15 h 40. Les membres du jury sont en réunion depuis une heure pour décider des peines que devront subir les quatre personnalités rwandaises reconnues coupables de crime de guerre. Ce vendredi matin, l’avocat général a demandé la perpétuité pour l’ensemble des accusés. Les avocats de la défense, anéantis par le verdict prononcé vendredi 8 juin à deux heures du matin, se sont satisfaits de demander la clémence du jury en demandant des peines nuancées. Pendant les huit semaines de débats, soeur Gertrude et soeur Kizito n’ont manifesté ni remords ni regrets pour les milliers de personnes livrées aux milices hutues alors qu’elles croyaient avoir trouvé refuge au couvent bénédictin de Sovu (sud). Soeur Gertrude en était la mère supérieure et soeur Kisitol’intendante. Concernant les peines infligées, le verdict du jury, qui ne sera connu que tard dans la soirée de vendredi, ne sera pourtant pas aussi sévère que la requête de l’avocat général, faisant la part de la peur, de la passion, et de l’affolement dans la conduite des accusés.
Le refuge meurtrier
« J’étais novice à Sovu et suivant mes origines hutues, je n’ai pas su répondre aux attentes des soeurs de Sovu. Je dois vivre cela tous les jours. Je n’ai jamais fait quoi que ce soit avec la milice pour faire du mal. Je suis restée solidaire avec mes consoeurs. Je les ai aidées de mon mieux pendant les trois mois de calvaire », a témoigné soeur Kisito devant une assistance qui attendait des mots de compassion sur les enfants tutsis livrés à la milice. Pas une seule évocation. Plusieurs témoins ayant survécu au drame ont témoigné contre elles. L’Eglise catholique rwandaise sort diminuée de ce procès car elle a tenté, par divers moyens, de couvrir les hommes et femmes de Dieu impliqués dans le génocide.
Le cerveau et le financier
Vincent Ntezimana, professeur d’université, et Alphonse Higaniro, ex-ministre et industriel, ont aussi été reconnus coupables de crimes de guerre. Si le professeur a fait état de ses erreurs, l’ancien ministre s’en remet « à la compréhension des jurés ». En désignant le principal plaignant assis sur les bancs, il confie : « Je sais que Monsieur Ndoba ne me croira pas mais je n’ai rien à voir avec la mort de son frère. J’aurai pu faire plus, quand j’ai vu le corps de madame Karenzi… Quand j’ai vu la jeune fille tuée… Je ne sais pas, j’avais peur ». Il évoque sa lâcheté. « J’ai voulu survivre, comme d’autres, mais aujourd’hui, je pense parfois à Agnès et à mes enfants, et je me dis qu’il vaudrait mieux que je sois mort ». Personne ne sortira indemne de ce procès, promettait le procureur à l’ouverture des audiences.