Bruce Clarke : créer au bord du volcan, voyage au cœur de la mémoire africaine


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Pas-un-jour-de-travail-de-plus-Huilecollage-sur-toile-2022 Bruce Clarke
Pas-un-jour-de-travail-de-plus-Huilecollage-sur-toile-2022 Bruce Clarke

L’artiste franco-britannique-sud-africain, Bruce Clarke nous invite, à travers son exposition « Créer au bord du volcan » à la galerie Art-Z, à une réflexion profonde sur les tragédies contemporaines et les dynamiques de la mémoire. Cette exposition, qui se tiendra du 3 octobre au 18 novembre 2024, témoigne de son engagement sans relâche pour aborder les événements marquants de l’histoire récente de l’Afrique, tout en explorant les limites de l’empathie humaine et le poids des souvenirs.

Un artiste au bord du chaos

Bruce Clarke nous transporte à travers des œuvres où l’impact des violences historiques prend une dimension esthétique et introspective. Sa peinture, ses collages et ses photographies reflètent une sensibilité marquée par la profondeur tragique, mais aussi par une certaine beauté paradoxale, qu’il qualifie de « beauté du diable« . Clarke puise dans « l’archéologie de la violence » pour transcrire les réalités mal comprises en questionnements existentiels, invitant le spectateur à confronter ses propres certitudes et préjugés.

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« Créer au bord du volcan » explore cette frontière fragile entre l’horreur et la résilience, dans un monde où les événements tragiques finissent souvent par se fondre dans la lassitude visuelle et narrative. « La photo est copiée, recopiée, brusquée, déformée parce que racontée de mille manières approximatives », dit Clarke, soulignant la complexité du rapport entre mémoire et image.

Des visages et des histoires oubliées

Les œuvres de Clarke, souvent issues de témoignages visuels pris directement sur les lieux des drames qu’il évoque, notamment au Rwanda en 1994, prennent une dimension universelle. « Certaines photos dans cette exposition viennent du Rwanda d’août 1994 – quelques semaines à peine après le génocide des Tutsis. Mais elles ne sont pas une représentation du Rwanda en août 1994 », explique-t-il, rappelant la distance qui se crée entre l’image originale et le récit qui en est fait.

Ses visages, brossés, griffés, estompés, semblent porteurs d’une souffrance collective, hors de toute psychologie individuelle. « J’ai essayé de récréer avec ces photo-collages l’ambiance onirique, dérangeante où les images de la réalité flottent dans les méandres de la mémoire d’autres réalités », dit-il. Les personnages de ses œuvres sont ainsi figés dans le temps, symbolisant à la fois l’anonymat des victimes et la résilience des peuples face aux catastrophes.

Une esthétique de la mémoire

Ce qui distingue Bruce Clarke, c’est cette capacité à transformer des événements d’une violence extrême en une esthétique contemplative et interrogative. Ses techniques mixtes – peinture, collage, photographie – créent des œuvres qui évoquent non seulement la mémoire, mais aussi la distorsion et l’érosion de celle-ci avec le temps. « Avec le temps l’image se brouille, s’use, s’estompe tel un palimpseste. […] Elle devient trace de traces laissées », explique-t-il.

Clarke ne se contente pas de documenter le passé ; il le réinvente, le déconstruit pour nous inciter à reconsidérer nos propres perceptions de la vérité et de la justice. À travers ses œuvres, il pose une question cruciale : qu’est-ce qu’une image raconte réellement, et comment la mémoire collective la façonne-t-elle ?

Une voix contemporaine pour l’Afrique

En parallèle de ses réflexions sur la mémoire, Bruce Clarke est profondément engagé dans les débats contemporains sur l’Afrique. En lien constant avec les réalités politiques et sociales africaines, il continue de collaborer avec des artistes et des intellectuels du continent pour explorer les enjeux du néocolonialisme, de l’identité et de la souveraineté.

Son travail sur le Rwanda, notamment à travers le « Mur pour la Mémoire« , rappelle l’importance de ne pas laisser les tragédies tomber dans l’oubli. Son art devient un espace de résistance, un appel à ne pas oublier, mais aussi à reconstruire et à réinterpréter. Ainsi, son œuvre s’inscrit dans une tradition à la fois contemporaine et classique, où la mémoire collective se confond avec une esthétique de la résistance.

Exposition du 3 octobre au 18 novembre 2024 à la Galerie Art-Z

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