« Quand il y en a un, ça va, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes », s’exclamait le 5 septembre le ministre français de l’Intérieur et des Cultes, Brice Hortefeux, alors qu’il posait pour une photo avec un militant UMP d’origine maghrébine. En dépit des « regrets » adressés à la communauté musulmane de France, hier, le soupçon pèse encore sur la nature des « plaisanteries » du ministre et leurs objectifs.
Raciste, Hortefeux ? L’on pourrait épiloguer longtemps sur cette épineuse question. Quoi qu’il en soit, le fait que ces propos soient sortis de la bouche du ministre de l’Intérieur et, rappelons-nous, du premier occupant du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale n’est pas anodin. Nicolas Sarkozy, le président français, et son fidèle compagnon ont développé des méthodes et un discours qui, depuis 2002, leur ont permis de s’attirer la sympathie et les voix d’électeurs situés pour l’essentiel à l’extrême droite de l’échiquier politique. La stigmatisation des immigrés et des personnes d’origine étrangère a porté ses fruits lors de la présidentielle de 2007. Une partie des suffrages qui précédemment s’étaient reportés sur le leader du Front national, Jean-Marie Le Pen, sont revenus à l’UMP (Union pour un Mouvement Populaire, au pouvoir). Mais, que ce discours xénophobe se soit révélé électoralement payant justifie-t-il qu’il soit aujourd’hui encore ressassé ?
Les membres du gouvernement qui sont venus à la rescousse de leur collègue ont dénoncé les méthodes des journalistes du net, jugés trop promptes à diffuser les propos qu’ils saisissent sur l’instant, hors des cadres préétablis. Brice Hortefeux ne pensait sans doute pas que ses déclarations seraient diffusées sur le web. Loin des tribunes officielles, il s’est laissé aller. Et c’est ce laisser-aller, qui de la part d’un ministre de la République, est inadmissible. Que des « plaisanteries » de cette nature soient légion aux comptoirs des cafés, est de l’ordre du supportable. Mais qu’elles soient tenues en public par le ministre de l’Intérieur ne l’est pas. En janvier 2009 déjà, Brice Hortefeux, alors ministre du Travail, avait suscité une polémique en déclarant que la nationalité française de la secrétaire d’Etat chargée de la Politique de la ville, Fadela Amara, n’était pas « forcément évidente ». Quelques mois plus tard, il récidive. Preuve qu’au sommet de l’Etat cet humour n’est pas jugé déplacé.
Faibles regrets
La tempête médiatique qui a suivi la diffusion jeudi dernier, sur le site LeMonde.fr, de la vidéo dans laquelle Brice Hortefeux s’adressait en termes choisis au militant UMP d’origine maghrébine, est sur le point de se dissiper. Le ministre de l’Intérieur et des Cultes a exprimé hier ses « regrets » aux musulmans lors du dîner de rupture du jeûne du Ramadan, organisé à Paris par le CFCM (Conseil français du culte musulman). « Je suis ému de penser que, du fait du tohu-bohu médiatique et d’une interprétation totalement inexacte, des personnes – peut-être parmi vous – ont pu être blessées dans leur être ou leurs convictions », a-t-il déclaré. Des regrets, et non des excuses, que Mohammed Moussaoui, le président du CFCM, a jugés « suffisants », ce matin sur les antennes de la radio Europe 1. « Je pense que la sincérité de ses propos a touché l’ensemble de ceux qui étaient présents », a-t-il ajouté, assurant que de son point de vue « le ministre de l’Intérieur n’est pas un homme raciste ».
S’il n’est pas raciste, Brice Hortefeux ne semble alors pas dénué d’un certain cynisme. En effet, ses propos, dont il a contesté avec difficulté l’interprétation qu’en a faite la presse, révèlent hélas que des politiciens, et jusqu’à certains membres du gouvernement, continuent de flatter, avec force arrière-pensées, les plus bas instincts des Français. Une pratique qui, d’urgence, mériterait d’être nettoyée au Karcher.
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