C’est un président algérien en grande forme qui s’est prononcé devant les parlementaires français. En vieux lion de la lutte anti-coloniale, » Boutef « ‘ a égratigné la diplomatie française pour mieux l’exhorter à inaugurer de nouveaux modes de relations bilatérales sur lesquelles l’homme d’Etat fonde – en fait – de grands espoirs.
Le discours d’Abdelaziz Bouteflika ce mercredi à l’Assemblée nationale, première allocution d’un chef d’Etat algérien devant le Parlement français, a tranché par sa franchise, alternant coups de griffes et mains tendues. Paradoxe : en n’hésitant pas à houspiller « les égoïsmes mesquins, irritations saisonnières et nostalgies d’une autre époque « qui affectent la diplomatie franco-algérienne, Abdelaziz Bouteflika a surtout révélé un immense désir de changer la nature des relations entre les deux nations.
Encore faut-il en poser le cadre : » La colonisation nous a ouverts à une ère de modernité (…) Mais une modernité par effraction qui a engendré doutes et frustrations. La modernisation à laquelle nous aspirons ne saurait être un mimétisme servile « , a-t-il averti. Citant Descartes, le Coran, Abd el-Kader et les encyclopédistes, le président algérien, a estimé au cours d’une démonstration hardie, que » l’indifférence « des responsables politiques français face au drame algérien et aux conflits qui déchirent l’Afrique, consistait en une forme de » nouvelle domination érigée en principe, qui accroît les capacités de pression en réduisant les ex-colonisés dans un statut de demandeur « .
Se référant à la situation intérieure algérienne, Bouteflika, a demandé que la politique étrangère de la France à l’égard de l’Algérie cesse d’osciller entre » ingérence « et » indifférence, sinon complaisance « envers un » terrorisme transnational « , comme l’a rappelé de façon sanglante l’attentat de la place St Michel.
Pour le chef d’Etat algérien, il est temps » maintenant que le spectre de la crise s’éloigne « , d’instaurer » un nouvel échange dans un climat de confiance retrouvée « .
Parlant lentement, d’une voix ferme, il a formulé le souhait d’un nouvel espace diplomatique entre l’Europe et le Maghreb, assurant aux parlementaires qu’une unité du Maghreb, selon » la méthode graduelle « que l’Union européenne a inspirée, est devenue » l’idée forte des jeunes et l’aspiration de leurs peuples « . Ce rêve d’un » grand ensemble méditerranéen « , transcendant la barrière de Schengen, le président algérien n’a pas voulu le taire.
Appel à la paix et à la réconciliation
Pour Bouteflika, le nouveau pas de deux algéro-français doit être le moteur de relations bilatérales entre l’Union européenne et l’Union du Maghreb arabe en gestation. Evoquant la conférence de Barcelone fixant à 2010, une zone de libre échange entre les deux rives du » lac de paix « à laquelle est promise la Méditerranée, l’orateur a déclaré qu’ » il n’est que temps « d’en accélérer le processus. Au besoin par une révision » de la question de la dette « : » Il ne s’agit pas de nous soustraire à nos obligations, mais de donner du tonus à nos capacités d’innovation « a-t-il précisé.
Autant de chantiers qui devront rétablir les liens entre nos deux peuples séparés par les visas et les stigmates de la guerre d’indépendance. Les Européens auraient bien tort de se couper des » Algériens qui regardent vers le Nord « . De même » il est légitime que les Français attachés à l’Algérie puissent y trouver l’accueil, dans un même rêve fraternel de reconstruction « , a déclaré Bouteflika, dans un appel du pied à la communauté pied noire.
Une façon de dire que la page est tournée, au terme d’un discours qui se veut avant tout un appel historique » à la paix et la réconciliation « .
Lire aussi l’article de Khaled Elraz, dans cette même édition, sur l’appel lancé par Abdelaziz Bouteflika aux jeunes Français issus de l’immigration maghrébine