Boughéra El Ouafi : l’athlète algérien qui a marqué l’histoire Olympique


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À l’approche des Jeux Olympiques de Paris 2024, l’histoire de Boughéra El Ouafi, premier champion olympique algérien et africain, résonne avec une force particulière. Né en Algérie sous domination française, cet athlète hors du commun a triomphé au marathon des Jeux d’Amsterdam en 1928, ouvrant la voie à des générations d’athlètes africains et arabes. Son parcours extraordinaire, de simple ouvrier à héros olympique et sa triste fin, incarne les qualités et la fierté des sportifs algériens mais aussi les défis de l’époque pour les athlètes issus des nations colonisées. 

Alors que Paris s’apprête à accueillir le monde, le souvenir d’El Ouafi nous rappelle l’importance de célébrer les premiers héros du sport olympique. Boughéra El Ouafi fut le premier champion olympique africain. Son parcours illustre aussi la complexité pour les sportifs africains de l’ère coloniale.

Un héros inattendu de l’arène olympique d’Amsterdam

Boughéra_El_Ouafi_victorieux_du_marathon_des_JO_d'Amsterdam,_en_1928
Boughéra_El_Ouafi_victorieux_du_marathon_des_JO_d’Amsterdam,_en_1928

Né en 1898 à Ouled Djellal en Algérie, alors sous domination française, Boughéra El Ouafi a écrit l’une des pages les plus surprenantes de l’histoire olympique en remportant le marathon des Jeux d’Amsterdam en 1928. Ouvrier à l’usine Renault et athlète amateur, son ascension vers la gloire olympique est à la fois inspirante et révélatrice des défis surmontés par les athlètes issus de milieux modestes et colonisés.

Malgré des conditions d’entraînement précaires, El Ouafi qui ne pouvait pas beaucoup s’entrainer en raison de son travail, a su s’imposer face à des concurrents mieux préparés et soutenus par une organisation qui lui faisait défaut. Sa victoire, acquise après 2 heures, 32 minutes et 57 secondes d’effort intense, a été un moment de fierté pour la France dont il portait la nationalité, pour l’Algérie dont il est originaire, mais a aussi pour toute l’Afrique dont il fut le premier médaillé d’or après le sud-africain Reginald Walker. Ainsi, il a ouvert la voie à de nombreux athlètes africains et arabes sur la scène internationale.

Une carrière brève mais lumineuse

Malheureusement la carrière sportive d’El Ouafi fut aussi fulgurante qu’éphémère. Après son exploit de 1928, il a tenté de capitaliser sur sa renommée en participant à des courses de démonstration aux États-Unis. Cependant, les contraintes économiques, sociales et politiques de l’époque l’ont rapidement ramené à une vie plus ordinaire, loin des projecteurs olympiques. A cette époque, l’obligation d’être amateur pour participer au JO ne permettait pas à des athlètes issus de milieu défavorisé de vivre de leurs talents.

« J’ai été ballot d’accepter de traverser l’Atlantique […] mais je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que ça représentait pour moi, un manœuvre des usines Renault, d’aller en Amérique ! J’ai accepté, tiens ! Tous mes frais étaient payés. C’est beau, vous savez, l’Amérique. […] Au Chilien qui a été derrière moi à Amsterdam, son président a donné une villa. Le mien m’a disqualifié ! J’ai mis les quelques sous que je possédais dans un fonds de commerce, un café. Mais je suis un balourd, mon associé m’a escroqué. » a-t-il expliqué quelques années plus tard.

Son retour à l’anonymat illustre les défis rencontrés par de nombreux athlètes confrontés à la difficulté de convertir la gloire sportive en sécurité financière. Les circonstances de sa mort par homicide en 1959 à Saint-Denis ne seront pas élucidées.

Paris 2024 : Un pont dans le temps

Les Jeux Olympiques de Paris 2024 offrent une opportunité unique de célébrer et d’honorer l’héritage de figures comme Boughéra El Ouafi. Alors que le monde se prépare à converger vers Paris, il est crucial de rappeler que l’esprit olympique transcende le sport, englobant des valeurs de résilience, de dépassement de soi et d’inclusion. Loin des « Anthropological Days » de 1904 à Saint-Louis (États-Unis) qui avait proposés des épreuves réservées aux « ethnies minoritaires ». Ces compétitions mettaient en scène des épreuves simplifiées, comme le jet de pierre, et exposaient des groupes ethniques comme les pygmées d’Afrique centrale, les Kaffirs africains et les Sioux d’Amérique du Nord à la curiosité du public.

Les organisateurs des JO de 2024 ont la responsabilité de mettre en lumière les histoires des anciens champions qui ont ouvert la voie. En effet, l’histoire d’El Ouafi soulève des questions toujours d’actualité sur la représentation, l’égalité des chances et la reconnaissance des athlètes issus de pays en développement ou de communautés marginalisées. Les Jeux de Paris 2024 doivent servir de plateforme pour aborder ces enjeux et promouvoir une vision plus inclusive du sport international.

En honorant le passé et en regardant vers l’avenir, Paris 2024 a l’opportunité de renforcer le lien entre les générations d’athlètes et de spectateurs, créant ainsi un héritage durable qui dépasse les médailles et les records.

Masque Africamaat
Kofi Ndale, un nom qui évoque la richesse des traditions africaines. Spécialiste de l'histoire et l'économie de l'Afrique sub-saharienne
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