Sans foi ni loi, les crimes rituels au Botswana


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Drapeau du Botswana
Drapeau du Botswana

Six ans après l’assassinat d’une lycéenne, les crimes rituels divisent toujours le Botswana, L’Eglise, la chefferie traditionnelle et la police sont à couteaux tirés. Enquête au scalpel.

A quinze ans, on veut bouleverser le monde. Segametsi Mogomotsi aurait-elle imaginé que son seul nom provoquerait des marches de protestation, ferait vaciller sur leurs bases la justice et la classe politique de son pays et susciterait un affrontement majeur entre deux piliers de la société botswanaise : l’Eglise et la chefferie traditionnelle ?

Des indices imparables

Entêtantes questions auxquelles Segametsi ne peut pas répondre : un matin de 1994, son corps mutilé a été retrouvé dans son village natal de Mochudi, à une centaine de kilomètres de la capitale Gaborone. Il n’a fallu aux enquêteurs qu’un seul regard sur les découpes d’organes sexuels pour connaître le mobile du crime.  » Ritual murder » (meurtre rituel). « Il s’agit de se procurer des organes humains, provenant de gens jeunes, afin de confectionner des potions, amulettes et autres fétiches, et d’assurer au commanditaire des pouvoirs magiques, conférant puissance, richesse etc… « , explique, un brin désabusé, Kenny Kapinga, directeur du département  » Enquêtes criminelles  » au quartier général de la police botswanaise.

Sept ans après les faits, l’enquête n’a pas avancé d’un pouce. Selon le journaliste du Botswana Gazette, Spencer Mojopi, le meurtre de Segametsi ne serait pas un cas isolé. A lui seul, le village Mochudi en compterait huit. La plupart non élucidés.

L’affaire a pris une nouvelle ampleur, dimanche 11 mars, quand les membres du clergé ont voulu célébrer une messe en hommage aux victimes de crimes rituels sur la place du village martyr. Mais sur le chemin du » Kgotla  » les fidèles se sont heurtés à la colère des caciques de la chefferie traditionnelle au grand complet : le doyen Phulane Pilane, le chef Bakagatla Kgosi Linchwee II et son régent, Kgosi Mothibi Linchwe. Ordre a été donné aux ecclésiastiques de rebrousser chemin. Ces derniers ont dû se contenter du Stade de football pour officier.

Un sujet de querelle

Explication de Spencer Mojopi :  » Le Kgotla est un lieu hautement symbolique de la société botswanaise. C’est là que se tiennent les conseils et que les chefs traditionnels prennent les décisions. Un lieu où le pouvoir s’exerce publiquement « . Le Botswana reste une terre d’évangélisation. Et l’esprit missionnaire exige plus qu’une simple gestion des âmes. Si une partie de ces églises et sectes chrétiennes se sont regroupées au sein du Conseil Chrétien du Botswana, toutes se livrent une compétition féroce.  » Nul n’est dupe, s’énerve le chef de la police criminelle, l’Eglise a tenté d’exploiter cette question pour accroître son pouvoir au détriment des chefs. Dès que quelqu’un disparaît dans le bush (désert de savane qui occupe l’essentiel du territoire botswanais), elle remet le couvert ».

Réponse de l’élu du Conseil, Felix Mokobi :  » Nous avons le devoir de parler, de ne pas rester silencieux face à ces crimes impunis. Même si cela implique de dire que le gouvernement ne fait pas un bon travail « .

Problème social ou judiciaire ?

Sous la pression de l’opinion, et sur ordre de sa hiérarchie, Kenny Kapinga a dû se résoudre à faire appel à des experts de Scotland Yard, la police britannique. Une preuve de bonne volonté du ministère de la Justice en direction de ses citoyens, que le chef de la police a vécu comme une humiliation inutile. Taxé d’incompétence, l’homme est amer :  » Les Britanniques ont réalisé tardivement des études scientifiques que nous avions déjà menées, car nous disposons de tous les moyens nécessaires. Evidemment ça n’a servi à rien car c’est sur l’Omerta des gens de Mochudi que bute l’enquête. Ils ont peur de s’attirer la malédiction des assassins et de leurs pouvoirs magiques « .

Convaincu que l’identité des assassins est connue  » de beaucoup « , Kenny Kapinga estime que  » la campagne d’opinion doit être menée auprès des populations, toute catégories sociales confondues, et non pas contre la police. Dans le passé j’ai arrêté des hommes d’affaires pour crime rituel… C’est injuste, inacceptable. On se trompe de cible. Tant que les gens croiront en ces sornettes, j’ai bien peur que de tels actes se reproduisent sans que nous puissions faire grand chose « . A suivre.

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