Le nouveau Président nigérian, Bola Tinubu, est manifestement en train de marquer le pays dont il vient de prendre les commandes, de son empreinte. À travers trois actes forts déjà posés.
Installé à la tête du Nigeria, le 29 mai 2023, en remplacement de son camarade de l’APC (All Progressives Congress), Muhammadu Buhari, le richissime homme d’affaires nigérian Bola Tinubu entend marquer de son empreinte la première économie africaine. Et cela se voit déjà à travers les actes forts posés par le nouveau chef d’État. Moins d’un mois après son investiture, on peut déjà compter trois actes majeurs.
Acte 1 : la suspension des subventions du carburant
C’est le jour même de son investiture que Bola Tinubu a annoncé les couleurs. Le nouveau Président a, en effet, déclaré la fin des subventions du carburant par l’État. Une mesure qui, depuis des décennies, consiste pour le gouvernement à subventionner le prix de l’essence, afin que les populations se procurent le précieux liquide à un faible coût sur le marché.
En effet, gros producteur de pétrole, mais dépourvu de raffineries, le Nigeria est obligé d’échanger son brut contre de l’essence qui lui revient cher si bien que le gouvernement est obligé de subventionner le produit pour une meilleure accessibilité. Cette politique coûte très cher au pays qui débourse des milliards de dollars en subventions, chaque année (10 milliards de dollars pour la seule année 2022). C’est cette saignée que le nouveau Président veut arrêter. Surtout que sur la question, le pays subit, depuis des années, la pression des institutions de Bretton Woods.
En faisant une telle annonce, Bola Tinubu est bien conscient qu’il s’engage sur un terrain glissant, d’autant plus glissant que par le passé, tous les gouvernements qui ont tenté de suspendre ces subventions ont dû rebrousser chemin. Le dernier exemple le plus frappant remonte à 2012 sous la présidence de Goodluck Jonathan où le gouvernement a dû solliciter l’armée pour calmer les manifestations gigantesques qui s’organisaient. Le gouvernement de Muhammadu Buhari a tout le temps agité la menace sans jamais véritablement joindre l’acte à la parole.
Avec Tinubu, les choses semblent prendre une autre direction. En effet, l’annonce de la suspension des subventions a entraîné la flambée des prix de l’essence. Ce qui a suscité une levée de boucliers de la part des syndicats qui ont promis des mouvements de grève pour compter du 7 juin. Mais, une rencontre syndicats-gouvernement a suffi pour désamorcer la bombe. Les syndicats ont rengainé, et tout semble indiquer que Bola Tinubu est sur le point de réussir là où ses prédécesseurs se sont cassé la dent.
Acte 2 : la suspension et l’arrestation du gouverneur de la Banque centrale
Samedi 10 juin 2023. Le Département des services d’État (DSS) annonce la mise aux arrêts de Godwin Emefiele, l’homme qui, depuis presque 10 ans, gouvernait la Banque centrale du Nigeria. Dans le communiqué publié par la structure, il est juste indiqué que « M. Emefiele est désormais détenu pour des raisons d’enquête ». Il s’agit d’une « enquête en cours sur ses services et sur les réformes prévues dans le secteur financier », a précisé un porte-parole du gouvernement nigérian. Peu de temps avant son arrestation, le gouverneur de la Banque centrale avait été suspendu de ses fonctions.
Cette arrestation de l’une des personnalités les plus importantes du régime précédent administre si besoin en était encore la preuve que le nouveau Président veut imprimer au pays son propre style de gouvernance. Il est vrai que de nombreuses critiques visaient Godwin Emefiele depuis la très controversée réforme monétaire qui a privé les Nigérians de liquidités et transformé leur vie en calvaire à quelques semaines des élections. Malgré cela, beaucoup s’interrogent sur les raisons profondes de l’arrestation de Godwin Emefiele. Et très vite, un rapprochement est fait entre cette arrestation et la tentative du gouverneur de briguer les primaires de l’APC contre Bola Tinubu, avant la Présidentielle. Règlement de comptes politiques ou véritable sanction pour faute commise ? La question est entière. Mais, l’acte est là. La volonté du nouveau Président faire le ménage autour de lui est claire.
Acte 3 : la suspension du chef de l’agence anti-corruption
Moins d’une semaine après la suspension et l’arrestation de Godwin Emefiele, c’est au tour du président de la Commission des crimes économiques et financiers (EFCC), Abdulrasheed Bawa, d’être évincé. « Il a été ordonné à M. Bawa de transférer immédiatement la gestion des affaires de son bureau au directeur des opérations de la Commission, qui en aura la responsabilité jusqu’à la conclusion de l’enquête », a annoncé, mercredi soir, un communiqué du gouvernement. Le motif de la suspension ? Abdulrasheed Bawa est accusé « d’abus de pouvoir ». C’est également une grosse pointure de l’administration Buhari qui vient d’être déchu.
En prenant le pouvoir, le 29 mai 2023, Bola Tinubu avait promis de mettre en œuvre des réformes pour sortir la première économie africaine des difficultés dans lesquelles elle reste empêtrée depuis des mois. Les compétences pour atteindre cet objectif ne manquent certainement pas à celui qui a déjà fait ses preuves à la tête de l’État de Lagos. Et pour cela, le nouveau Président a besoin de placer ses pions aux postes-clés de l’administration.