Quelques jours avant le déplacement qui couta la vie à celui que l‘on peut considérer a juste titre comme le président américain le plus populaire de tous les temps, Richard Case Nagell un agent de renseignement appris qu’un attentat contre le président Kennedy puisqu’il s’agit de lui, allait avoir lieu le 22 Novembre 1963 lors de sa visite à Dallas. Il en informa le plus rapidement possible J Edgard Hoover, le directeur du FBI a l’époque et ne reçut en réponse de sa lettre que le silence au lieu de la mobilisation et du déploiement d’une forte infrastructure de sécurité qu’une telle situation aurait exigé. Il comprit tout de suite que les complicités de cette conspiration s’élevaient très haut dans la hiérarchie de l’Etat. Effectivement, les événements et les enquêtes montrèrent plus tard que certains éléments très puissants et hauts-placés de l’appareil de l’Etat américain avaient participé à l’élimination du président Kennedy.
De façon similaire, on se serait attendu à un véritable branle-bas, en termes de renforcement des positions de l’armée coté Nigeria après la débandade de la première vague de soldats nigérians face à Boko Haram Cameroun et la chute des villes frontalières à la frontière avec le Cameroun. Au lieu de cela, nous apprenons…. une autre débandade et la chute d’autres villes. Curieux, tout de même.
D’autres villes du Nigeria, loin de la frontière avec le Cameroun sont tombées. Pourquoi alors s’émouvoir de la timidité des forces armées nigérianes sur le front camerounais ? Selon des informations récentes, Boko Haram Nigeria est différent de Boko Haram Cameroun car bien qu’ayant tous envie de renverser un pouvoir, leur terrain de prédilection, leur motivation et la structure de leurs forces sont différentes. Par ailleurs, le Nigeria a à la frontière avec le Cameroun un allié crédible en une armée motivée, combattante et déterminée à éliminer la menace supposée islamiste. Pourtant ce puissant voisin ne semble pas avoir une envie folle d’en profiter.
Selon les descriptions des combats, Boko Haram attaque les villes camerounaises par groupes d’environ 200 hommes. Or la première vague des soldats nigérians venus se réfugier au Cameroun avec armes, munitions et véhicules s’élevait à 700 hommes et la deuxième vague s’élevait à 321 personnes. Il ne faut pas moins de 1000 hommes pour donner la frousse à 700 militaires professionnels comme ceux de l’armée nigériane. Et il nous semble difficile de croire que Boko Haram puisse mobiliser et déplacer autant d’hommes en territoire hostile, spécialement dans une zone de combats sans une logistique sophistiquée qui va forcément attirer l’attention. A moins que ce soit fait volontairement.
Tout laisse à penser que ces désertions en masse d’une armée face à des forces plus petites et moins professionnelles, bien que mieux équipées (selon les dires des soldats nigérians) ne soient que des manœuvres impliquant l’armée nigériane pour céder le terrain à Boko Haram Cameroun. La version camerounaise de ce mouvement était supposée initier un mouvement de rébellion qui aurait embrasé la région Nord du Cameroun selon les calculs des instigateurs de la déstabilisation. Et ce genre de manœuvre ne peut être fait sans l’accord du chef suprême des forces armées nigérianes.
Nous ne sommes aucunement en train de nier ou de minimiser la guerre que des soi-disant islamistes mènent contre ce pays frère. Nous sommes simplement en train de relever le comportement étrange de ce grand voisin, par rapport à une menace similaire qui affecte le Cameroun. Il nous parait évident que l’armée d’un pays de prés de 200 millions d’habitants et qui plus est la première économie africaine est bien capable d’éliminer la menace de la bande de terroristes qui sévit à sa frontière, spécialement si elle coopère avec le Tchad et le Cameroun, les autres pays frontaliers qui s’y étaient montrés disposés en théorie. Si ces pays coopéraient effectivement, Boko Haram ne serait pas capable de garder 200 filles en otage pendant des mois.
Au fait, que sont devenues ces filles ? Une autre curieuse affaire. Au lendemain de leur supposé enlèvement, le monde entier s’est ému de leur triste sort au point d’impliquer des personnalités de premier plan telles que Michelle Obama, la première dame américaine ainsi que de nombreux gouvernements qui avaient promis leur aide. Alors que des atrocités plus sérieuses sévissent ailleurs dans l’indifférence, il a été remarquable de constater que des pays aussi idéologiquement opposés que les Etats-Unis, la France, la Grande Bretagne, Israël d’une part, la Chine, la Russie d’autre part aient proposé leur aide à l’unisson. Peut-être que cela n’avait pas grand-chose à voir avec le sort de ces filles, et que c’était un positionnement stratégique pour le pétrole.
Toujours est-il qu’après des mois « d’intenses recherches », on n’a toujours pas retrouvé ces filles. Croyez-vous vraiment qu’avec les moyens modernes d’écoutes téléphoniques, des satellites sophistiqués et des drones survolant le ciel, les experts internationaux venus aider à la recherche ne soient pas parvenus à les retrouver ?
Même un simple travail de renseignement sérieux sur le terrain aurait fait mieux car il semble difficile de garder plus de 200 adolescentes non-consentantes sans attirer l’attention. Gérer autant de personnes demande une sérieuse logistique, beaucoup de nourriture au quotidien, des soins médicaux, de nombreux gardiens ainsi que de multiples coups de fils entre les kidnappeurs.
Ce malheureux évènement qui ne fait plus pleurer et dont on ne parle plus ne semble avoir été qu’un prétexte pour justifier la présence de forces étrangères dans cette région stratégique pour l’industrie du pétrole. Est-ce par ce canal que les forces françaises ont mis le pied dans la zone de combat opposant les forces de défense camerounaises a Boko Haram Cameroun ? Afrique Media TV, une télévision panafricaine a révélé cette semaine qu’un soldat des forces spéciales françaises aurait été capturé par l’armée camerounaise a l’extrême-Nord combattant aux côtés de Boko Haram. Cette information pourrait expliquer pourquoi le Chargé d’affaires de l’ambassade française faisait partie des personnalités qui accueillaient le président Paul Biya à son retour au Cameroun.
Reste une question fondamentale : pourquoi le président nigérian participerait-il à un complot contre le Cameroun ? Probablement pour les mêmes raisons qu’il l’a fait contre la Libye et la Cote d’Ivoire de Laurent Gbagbo. En 2010, pendant la guerre de Libye, à la surprise des africains qui voyaient en le Nigeria une puissance en avant-pointe pour la libération de l’Afrique, ce pays qui siégeait en cette période-là au conseil de sécurité de l’ONU a voté en faveur de la reslution1975 qui autorisait les Nations Unies à intervenir en Libye.
Quelques temps plus tard, après des manœuvres de lobbying du gouvernement français, le gouvernement nigérian a pris position contre Laurent Gbagbo dans le conflit qui l’opposait à Alassane Ouattara et la France. Il a même joué avec zèle son rôle de chien d’attaque en militant pour une intervention militaire des pays de la sous-région pour aller chasser Le président Laurent Gbagbo du pouvoir.
L’attitude de Goodluck Jonathan Ebele vis-à-vis du Cameroun aujourd’hui comme par le passé avec la Libye et la Côte d’Ivoire a-t-elle quelque chose à voir avec la visite de François Hollande dans son pays le 27 et 28 Février dernier? François Hollande lui-t-il fait miroiter un partenariat avec la France dans le dépeçage du Cameroun, ou alors a t-il réactivé le vieux dossier d’une place plus importante aux Nations Unies pour ce grand pays africain, notamment au sein du conseil de sécurité?
Si c’est le cas, alors nous sommes forcés de constater l’horreur qui voudrait que le pays le plus peuplé et la plus grande économie d’Afrique ait à sa tête un président facile à tromper, et surtout un traitre à la cause africaine qui a déjà couté à notre continent deux grands hommes en les personnes de Kadhafi et de Laurent Gbagbo. Si le pays sur lequel le Cameroun aurait pu compter pour l’aider à se défendre contre l’impérialisme travaille avec le camp opposé, peut-être est-il temps pour le Cameroun de requérir l’assistance de vrais pays vraiment panafricanistes tels que l’Angola, la Namibie ou le Zimbabwe.
En attendant que les événements nous en disent plus sur les intentions réelles de l’énigme Goodluck, les troupes camerounaises combattant au front feraient mieux de se méfier de ces désertions des soldats nigérians en gardant un œil attentif sur ces derniers. Le plus grand des dangers pourrait venir de la sous-estimation de cette menace.
Gabriel Makang pour le Sphinx Hebdo