Bingu wa Mutharika, un omniprésident à la tête de l’UA


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Le quatorzième sommet de l’Union africaine a désigné dimanche, à Addis-Abeba (Ethiopie), le chef d’Etat du Malawi, Bingu wa Mutharika, président de l’organisation pendant les douze prochains mois.

La décision a été prise à l’ombre des regards indiscrets, lors d’une séance à huis clos, dimanche. Après une vingtaine de minutes, les chefs d’Etat du continent sont apparus pour annoncer que Bingu wa Mutharika allait assurer la présidence tournante de l’Union africaine pour un an. Mais l’ambiance a été houleuse et le choix contesté par certains pays, notamment la Tunisie et la Libye. Le Guide libyen, Mouammar Kadhafi, avait espéré obtenir un deuxième mandat d’un an pour mener à bien son projet d’intégration politique et économique du continent. Mais finalement, c’est le principe de présidence tournante qui a primé au grand dam de la diplomatie libyenne. Fraîchement élu, M.Mutharika a déclaré qu’il comptait donner un nouveau souffle à l’UA, expliquant qu’« il fallait aller au-delà des décisions, résolutions et déclarations, et commencer à agir, le moment est venu de développer l’Afrique.»

C’est à un ogre de la politique, omniprésident dans son pays, que les chefs d’Etat africains ont confié la présidence de l’UA. A la tête du Malawi depuis 2004, il a également pris en charge les portefeuilles de l’agriculture, de la sécurité alimentaire et de l’éducation au sein de son gouvernement. Ce vieux routier de la politique, économiste de formation, a connu un parcours semé d’embûches.

Itinéraire d’un économiste ambitieux

Né Ryson Webster Thom en 1934 sous l’occupation anglaise, il décide d’africaniser son nom après l’indépendance du Nyasaland devenu Malawi en 1962. En 1964, il fuit son pays car il est suspecté d’avoir participé à une tentative de coup d’Etat. Se réfugiant d’abord en Zambie, il part étudier en Inde où il obtient un Master d’économie. Il amorce alors un parcours d’économiste brillant. Il émigre aux Etats-Unis et décroche un doctorat en économie du développement. En 1978, il rejoint les Nations Unies et devient directeur du commerce et de l’économie du développement pour l’Afrique où il est désigné 1er secrétaire général du marché commun de l’Afrique oriental et australe (COMESA) en 1991.

De retour au Malawi, il conteste le pouvoir absolu du « président à vie », le docteur Hastings Kamuzu Banda (1966-1994). Dans la période de libéralisation du régime autocratique qui accompagne la fin de règne, il participe à la création d’un nouveau parti d’influence libérale : l’UFD (le Front démocratique uni) dont le leader Bakili Muluzi remporte les premières élections libres en 1994.

Membre de l’UFD entre 1994 et 1997, il formait alors une association solide avec le président Muluzi, dont il était le dauphin. Mais se montrant de plus en plus critique envers sa gestion de l’économie nationale, il prend ses distances avec son mentor et quitte le parti pour fonder un autre: l’United Party (UP, Parti Unifié) en 1997.

Candidat malheureux aux élections présidentielles de 1999, il récolte moins d’1% des suffrages. Mécontent du résultat, il dissout son propre parti et fait marche arrière en réintégrant les rangs de l’UFD qui lui offre un poste de gouverneur adjoint à la banque de réserve du Malawi. Il est ensuite nommé ministre de la planification économique et du développement.

L’accession au pouvoir

En 2004, Baliki Muluzi désigne, de manière informelle, Bingu wa Mutharika comme son digne successeur à la tête du Malawi. Il remporte dans la foulée les élections présidentielles avec 36% des votes. Mais les tensions entre les deux hommes forts du pays reprennent dès que Bingu wa Mutharika entre en fonctions. Celui-ci mène une campagne de vaste ampleur contre la corruption et se heurte aux critiques de son prédécesseur. C’est le début d’une dispute qui fait long feu et pèse sur la gouvernance du pays. Le président Mutharika quitte l’UFD en 2005. Il accuse les membres du parti de vouloir le déstabiliser politiquement voire même de fomenter des projets d’assassinat. Il créé donc, encore une fois, un nouveau parti politique : le DDP (Parti progressif démocrate).

Les relations entre Muluzi et Mutharika vont de mal en pis. Au mois d’avril 2005, l’ancien président présente son mea culpa au peuple malawite : il déclare regretter d’avoir désigné Mutharika comme son successeur et « imposer » ainsi au pays.

Face à une opposition montante, Mutharika se sent cerné. Des rumeurs circulent selon lesquelles il ne dormirait plus dans la résidence présidentielle. Peu après, il licencie Gwanda Chakuamba, -ministre de l’agriculture-, en raison d’un discours lors duquel celui-ci déclarait s’attendre à ce que Mutharika ne soit plus en fonction à compter du jour de noël 2005. Le ministre limogé est ensuite interpellé par la police. Même sort pour le vice-président Cassim Chilumpha en 2006 : il est arrêté après avoir été accusé de préparer un projet d’assassinat contre le président.

En 2009, il est élu président du Malawi avec 66% des voix et une forte majorité parlementaire. Le pays traverse de graves problèmes économiques et a l’un des endettements publics les plus importants du monde. Cependant certains spécialistes l’acclament pour sa bonne gestion des finances publiques. D’autres le critiquent pour son goût immodéré du pouvoir. Succédant à Mouammar Kadhafi à la tête de l’UA, il aura fort à faire pour rassembler et mettre en œuvre une politique concrète et dynamique.

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