Après une première plainte classée sans suite, le parquet de Paris vient d’ouvrir une enquête préliminaire contre Paul Biya pour « recel de détournement de fonds publics ». Le président camerounais est soupçonné d’avoir acquis, en France, un patrimoine financé par les deniers publics s’élevant à des centaines de millions d’euros. Le 9 novembre dernier, la Cour de cassation avait rendu un arrêt inédit jugeant recevable la plainte déposée par Transparency International dans l’affaire dite des « biens mal acquis » contre plusieurs chefs d’Etat africains. Un tournant dans l’attitude de la France envers certains dirigeants africains.
Un premier pas vers la vérité ? Le parquet de Paris vient d’ouvrir une enquête préliminaire contre le président camerounais Paul Biya pour « recel de détournement de fonds publics ». Cette enquête fait suite à une plainte déposée le 2 novembre dernier par l’Union pour une Diaspora active, une association présidée par l’opposant camerounais Célestin Djamen.
L’enquête, ouverte « la semaine dernière » selon une source judiciaire citée par l’AFP, a été confiée à l’Office central de la répression de la grande délinquance financière. Paul Biya est soupçonné d’avoir acquis, en France, un patrimoine financé par des détournements de fonds publics pouvant atteindre plusieurs centaines de millions d’euros.
Le président camerounais Paul Biya « ne dispose pas de patrimoine en France ou ailleurs», a réagi la présidence camerounaise dans un communiqué jeudi. «Le cabinet civil de Monsieur le Président de la République, qui se réserve l’usage des moyens de droit contre les auteurs présumés de cette action, attend les conclusions de ladite enquête», ajoute le texte.
Le parquet de Paris avait déjà classé sans suite en février dernier une plainte similaire de Célestin Djamen, candidat à la présidentielle camerounaise d’octobre 2011, déposée au nom du Conseil des Camerounais de la diaspora (CCD). Raison invoquée : l’immunité présidentielle dont Paul Biya bénéficie.
Une victoire historique
Mais le vent tourne. Plusieurs associations de lutte contre la corruption, dont l’ONG Transparency International, ont obtenu, le 9 novembre, une victoire judiciaire « historique » dans l’affaire dite des « biens mal acquis » visant les d’Etat du Congo-Brazzaville, Denis Sassou Nguesso, du Gabon, Omar Bongo, et de la Guinée Equatoriale, Teodoro Obiang Nguema. La Cour de cassation a en effet jugé, pour la première fois, recevable leur plainte alors qu’elles s’étaient jusque-là systématiquement heurtées au refus du parquet au motif que des associations ne pouvaient se prévaloir d’un préjudice personnel dans ce genre d’affaires. Un juge d’instruction devrait ainsi être saisi dans les jours qui viennent.
L’opposant camerounais Célestin Djamen s’appuie dans sa plainte sur une enquête parue en 1984 au journal satirique français Le Canard enchaîné, faisant notamment état de l’acquisition par le président Biya d’un immeuble cossu sur l’Avenue Foch à Paris. « J’ai reçu d’autres éléments du Canard enchaîné que j’ai reversé au dossier », a-t-il en outre fait savoir lors d’un entretien accordé au quotidien camerounais Le Messager, début novembre. Il se base également sur le témoignage de l’ancien président de l’Ordre de la Rose-Croix, feu Raymond Bernard, qui avait reconnu que l’Organisation souveraine du temple initiatique (Osti) à Paris a reçu 40 millions de Francs français au titre de soutien financier de Paul Biya.
De nombreux observateurs restent néanmoins sceptiques quant à la possibilité de voir les plaintes aboutir un jour à des condamnations ou à la restitution des biens, ne serait-ce que du fait de l’immunité dont jouissent les chefs d’Etat impliqués. «Il n’empêche que le fait qu’on en parle, que de tels dictateurs soient déstabilisés, constitue un signal d’espoir pour la société civile africaine », souligne Stéphanie Dubois de Prisque, chargée de communication de Transparency International.
Au pouvoir depuis 1982, Paul Biya, 77 ans, ne s’est pas encore prononcé sur sa candidature à la présidentielle prévue en octobre 2011, mais il devrait, selon les observateurs, briguer un nouveau mandat.