Bernard Sanou était à la barre, ce jeudi, dans le cadre du procès de l’assassinat de Thomas Sankara. L’homme se dit très déçu de la grande impunité qui a régné à la suite de la boucherie du 15 octobre 1987. Il pointe Gilbert Diendéré que ceux qui ont fait le coup contre Thomas Sankara ne devaient pas sortir indemnes.
Bernard Sanou, colonel-major à la retraite, chef de corps du génie militaire et chef de sécurité de la zone 5 à Gounghin au moment des événements du 15 octobre 1987, était à la barre, ce jeudi 25 novembre. Cet ancien camarade de classe de Thomas Sankara a donné sa version des faits en tant que témoin. De son intervention, il ressort qu’après être allé aux soins pour des maux d’estomac, le 15 octobre 1987, il s’est rendu à la place de la révolution où son unité devait effectuer des travaux.
Sur les lieux, Bernard Sanou et son adjoint ont été informés par un soldat qu’il y avait des coups de feu du côté du Conseil de l’entente. La première personne à laquelle il a pu parler au téléphone était le commandant Jean-Baptiste Boukari Lingani, qui l’a appelé à son domicile. « Il m’a dit qu’il est chez lui à domicile et qu’on lui a dit qu’il y a eu des tirs au Conseil. Il m’a demandé de prendre des dispositions discrètes. Je lui ai dit qu’il n’y avait pas de dispositions discrètes à prendre, car la ville était en émoi. Je suis allé plus tard au génie militaire. J’ai pris les dispositions normales et nous attendions », a confié le colonel-major à la retraite.
Il reçoit ensuite un coup de fil du capitaine Boukari Kaboré dit Le Lion, commandant du Bataillon d’intervention aéroportée (BIA). À la barre, le témoin résume en ces quelques mots les échanges avec le commandant du BIA : « Le lion m’a dit : ”Vous à Ouaga là, c’est quel bordel vous êtes en train de faire comme ça là ?” Je lui ai dit que nous ne savons rien du tout ».
Par la suite, le chef de corps du génie militaire est recontacté par le commandant Lingani. « À 21 h 40, Lingani m’a rappelé. J’étais avec Abdoul Salam Kaboré. J’ai mis le haut-parleur. Il m’a dit calme toi. Il m’a dit que suite à une tentative d’arrestation, il y a eu des échanges de tirs. Et le Président du Faso a été touché. Je lui ai demandé qui a dit d’arrêter qui et pourquoi ? Il m’a dit de me calmer et qu’il y aurait de plus amples informations le lendemain matin ».
Après le commandant Lingani, Bernard Sanou a à nouveau en ligne Boukari Kaboré. « Ancien, prends les dispositions, j’arrive », lance Le Lion. Et son interlocuteur de rétorquer : « Tu viens où ? Thomas est mort. Si tu viens à Ouaga, il y aura plus de 30 000 morts ». Selon le témoin, l’arsenal dont disposait le BIA à l’époque et dans lequel on pouvait compter quatre canons neufs utilisés à l’occasion de la guerre de Noël entre le Burkina Faso et Mali en décembre 1985, pouvait permettre à Boukari Kaboré et ses hommes de tout bousiller sur leur passage.
Interrogé sur l’impunité qui a fait suite au massacre du 15 octobre, le colonel-major à la retraite dit que pour lui, « c’est une grande déception ». Et le témoin d’envoyer une critique en douce en direction de Gilbert Diendéré, chef de la sécurité du Conseil de l’entente au moment des faits : « Si des assaillants devaient venir au génie militaire pour assassiner le Président du Faso, ils auraient peut-être réussi leur coup, mais ils ne s’en seraient pas sortis indemnes », rassure-t-il.