Sept ans d’activités, un bilan globalement positif mais le sida reste le plus fort. Il continue ses ravages dans la population congolaise. L’an 2001 a été particulièrement dramatique au point que l’Ong » Femme Plus » prise de panique, tire la sonnette d’alarme en dénonçant spécialement l’irresponsabilité des jeunes devant le fléau.
De notre correspondant à Kinshasa
» Femme Plus » est une organisation non gouvernementale qui s’occupe essentiellement des femmes séropositives ainsi que des orphelins de parents morts du sida. Elle est dirigée depuis l’origine par Bernadette Mulelebwe Tekla. L’Ong vient de dresser une évaluation de son action depuis 7 ans : la conclusion n’est pas encourageante. Si dans l’ensemble, elle juge son action utile, elle s’inquiète, par contre, du comportement de la jeunesse congolaise, visiblement insouciante face aux ravages du sida.
» Dans certains coins de la ville de Kinshasa, s’insurge Bernadette Mulelebwe Tekla, le taux de prévalence a littéralement bondi depuis les trois dernières années, dans un rapport de 1 à 4. Pourtant les jeunes se conduisent comme si le sida n’existait pas « . La directrice de » Femme Plus » fonde ses inquiétudes sur les statistiques du Programme National de Lutte contre le Sida (PNLS), le service public chargé d’étudier l’évolution de la pandémie sur le territoire de la Dépublique démocratique du Congo. Les institutions d’enseignement supérieur seraient les plus durement frappées par les ravages du sida. D’où le cri d’alarme de Bernadette Mulelebwe : » A croire que toutes les campagnes de sensibilisation ne les concernent pas. J’ai peur pour l’avenir de nos enfants et je n’exagère rien « , dit-elle.
Jeunes, le sida tue !
Au cours de l’interview qu’elle nous accorde au siège de son organisation, Bernadette dit être convaincue qu’elle fait le maximum pour dénoncer les méfaits du sida mais aussi pour prévenir les jeunes des risques qu’ils encourent par des relations sexuelles non protégées. En sept ans d’activités, l’Ong s’est dotée de moyens conséquents pour réaliser ses objectifs. La sensibilisation se fait à travers différents médias : radio, télévision, presse écrite, théâtre…
Implantée dans la commune de Ngiri-Ngiri, un des quartiers les plus anciens et les plus populeux de Kinshasa, » Femme Plus » vient de créer quatre antennes disséminées dans différents quartiers à fort taux de prévalence du VIH, afin de s’assurer d’une information fiable et de la possibilité d’intervenir aussi efficacement que possible auprès des malades : » Nous sommes une organisation à assise communautaire et la majorité des personnes que nous assistons habitent les agglomérations à forte densité de population et se comptent parmi les couches les plus démunies « .
Accompagner les malades
Cependant, en dépit de ses quatre antennes, l’Ong » Femme Plus » n’a pas encore l’envergure d’une grande organisation. Si elle gère 12 000 personnes à Kinshasa et 6 000 à Lubumbashi (province du Katanga), elle bénéficie essentiellement, depuis 4 ans, d’un financement de » Christian Aid « , une Ong religieuse qui s’occupe des pays pauvres. A défaut, pour des raisons évidentes, de guérir les malades, elle travaille en partenariat avec certains hôpitaux et centres de santé à Kinshasa : » Nous assurons un accompagnement psychologique des personnes vivant avec le VIH. Nous leur redonnons l’espoir de vivre. Outre les conseils et suivi psychologiques, nous leur facilitons l’accès aux soins médicaux. Nous travaillons avec certains hôpitaux comme l’hôpital St-Joseph dont les médecins sont particulièrement bien disposés pour les malades du sida. Nous nous faisons également aider par des nutritionnistes pour le régime alimentaire des malades « .
Chez » Femme Plus « , on se déclare convaincu qu’un régime alimentaire approprié aide les malades à vivre avec leur sida. Seulement, qui dit régime alimentaire dit souvent cuisine spéciale. Ce qui n’est pas à la portée des malades qui n’ont déjà pas le minimum pour nourrir leur famille. » Femme Plus » a alors choisi de créer des unités de production pour aider les malades à se prendre à charge.
La médecine traditionnelle est la bienvenue
Maladie nouvelle, le sida reste un casse-tête pour tous ceux qui ont choisi la profession de guérir. Au siège de « Femme Plus » se côtoient praticiens de la médecine moderne et ceux de la médecine dite traditionnelle. Les uns comme les autres ont accès aux malades, selon la libre volonté des malades eux-mêmes. » Nous ne sommes pas foncièrement contre la médecine traditionnelle, rassure Bernadette Mulelebwe, car nous savons qu’en définitive, la solution se trouve dans les plantes. Or ce n’est pas ce qui manque en RDC… Seulement nous avons peur des charlatans qui profitent de la détresse et de la naïveté des malades pour s’enrichir sur leur dos. A tous ceux qui viennent, nous demandons de bien vouloir expliquer leurs médications aux malades, parce nous estimons que nos malades sont suffisamment adultes pour décider de la nature des soins qu’il leur faut « .
» Femme Plus » ne prend pas la médication des tradipraticiens pour argent comptant, car elle est tenue par le gouvernement à observer une certaine sécurité pour les malades. » Avant de prescrire tout médicament, nous requérons l’avis du ministère de la Santé « . Ancienne journaliste et éducatrice, Mme Bernadette Mulelebwe avoue que son action aurait pu être plus efficace s’il n’y avait pas eu la guerre… » La guerre augmente le taux de prévalence du VIH. Depuis 1996, les migrations des militaires à travers le pays exposent tous les Congolais au sida… Nous n’avons pas de données chiffrées sur le territoire sous occupation rebelle, mais il faut craindre de découvrir le pire, le jour où les statistiques seront disponibles. Tout le pays est touché de la même façon, et les agissements des soldats en campagne démultiplient les risques « .
» C’est une raison de plus pour combattre, en souhaitant un retour à la stabilité… » Leçon d’une femme de coeur et de courage.