Les Béninois s’apprêtent à voter ce dimanche dans une atmosphère mitigée. La campagne électorale béninoise, prolongée d’une semaine, a pris fin vendredi dans une ambiance festive mais parfois tendue. Le deuxième et dernier jour d’inscription dans les mairies n’a pas permis à tous les concernés d’obtenir leur précieux sésame pour se rendre aux urnes.
De notre envoyée spéciale
« Dix ans, dix ans ! » Ce slogan à la bouche, les habitants de la localité de Kpomassé défilent sur la route, bloquant le trafic. Situé à quelques quarante km de Cotonou, capitale économique du pays, ils sont une cinquantaine venus envahir la route principale pour se faire entendre à l’occasion de ce dernier jour de campagne électorale. Sans nul doute, leur candidat de cœur est Boni Yayi, le président sortant. Comme le disent ses affiches, l’homme souhaite être reconduit dans ses fonctions pour amener à son pays la « prospérité pour chacun ». Aux couleurs de leur chouchou, blanc et vert, certains portent des t-shirts à l’effigie du « docteur du changement ». D’autres des visières en carton. Accompagnés d’un orchestre fait de tambours et de klaxons, ils sont sûrs qu’un nouveau mandat de cinq ans sera accordé à Yayi.
Fin de campagne
A Cotonou, les affiches électorales se font plus nombreuses, mais celles qui dominent sont celles de Boni Yayi et d’Abdoulaye Bio Tchané, qui est désigné comme « le bon choix » ou comme le roi de « la réforme ». Il y a aussi celles d’Adrien Houngbédji qui propose d’être « tous unis pour le progrès partagé. ». Dans la grande ville qui respire aux rythmes de la campagne, les avis sont plus mitigés que dans les villages, tant le mécontentement est encore palpable concernant la préparation peu efficace de cette élection. En effet, c’est le deuxième report du premier tour, la date initiale était prévue pour le 27 février. Mais suite aux nombreuses réclamations nationales comme internationales face à une Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI) incomplète, l’Assemblée Nationale avait permis, la semaine dernière, qu’un report soit possible afin d’intégrer les « exclus » de la liste. Et si, là aussi, nous croisons des partisans du président sortant, précédés d’un cortège haut en couleurs, beaucoup reprochent à Yayi le retard pris dans le lancement de la LEPI. « Les problèmes qui arrivent ne sont pas de sa faute », explique Philippe, conducteur de taxi-motos. « Quand d’autres ont pris cinq ans pour mettre en place une LEPI, nous l’avons fait en six mois ! Il aurait dû s’y prendre bien plus tôt pour nous éviter des problèmes », ajoute-t-il.
Dernier jour d’inscription
Déjà, le deuxième et dernier jour devant permettre de nouvelles inscriptions et le retrait des cartes d’électeurs, ce vendredi, n’a pas tenu toutes ses promesses. En effet, le délai sur les listes électorales a été prolongé au-delà de la date limite de jeudi pour permettre à des centaines de milliers de Béninois de voter dimanche. Jeudi soir, le responsable des opérations électorales, Arifari Bako, avait même annoncé que la période d’inscription était prolongée jusqu’à vendredi midi et même jusqu’à samedi midi là où ces formalités avaient débuté avec du retard. Pourtant, à vingt-trois heures, vendredi soir, une foule impressionnante attend toujours dans l’enceinte de la mairie du 13e arrondissement de la ville. C’est le cas de Marie, la trentaine, en pantalon noir et t-shirt bleu. « Je ne sais pas si j’aurai ma carte vu l’heure qu’il est », s’énerve la jeune femme. Cette année, c’est une certitude, tous les Béninois ne pourront pas voter. Pour Marie comme Philippe, exaspérés, cinq ans ont suffit à Yayi pour démontrer de quoi il était capable. Il faut que d’autres prennent place au Palais de la Marina. Face à cet état des choses, les Béninois semblent résignés. « Il semblerait qu’on va tout de même voter ce dimanche, mais c’est la première fois que l’on assiste à un tel désordre. Certains n’ont toujours pas été inscrits, d’autres le sont mais n’ont pas reçu leurs cartes », affirme Colette, la soixantaine. Une autre ajoute : « Moi, je me suis inscrit dans un quartier mais ai reçu ma carte dans un autre, si bien que je ne sais pas où je dois voter. »
Face à cette nouvelle situation, un collectif de neuf candidats, dont les deux principaux adversaires du président sortant Boni Yayi, demande un nouveau report, d’au moins une semaine, « pour prendre en compte tous ceux qui ont été exclus » des listes électorales, a indiqué jeudi soir leur porte-parole Victor Topanou. De même, une coalition d’ONG, Fors-élections, qui a organisé plusieurs manifestations de protestation contre cette situation, a réclamé un report au 27 mars « pour préserver la paix ». Malgré ces appels, un porte-parole du président Yayi, Marcel de Souza, a exclu de reporter le scrutin pour la troisième fois, indiquant à l’AFP que vendredi avait été déclaré jour férié pour permettre l’enregistrement des électeurs. Sur fond de confusion, de colère et de frustration, et malgré quelques voix qui s’élèvent encore pour un nouveau report, les Béninois iront choisir leur nouveau président ce dimanche.
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