Tout le monde connait Ouidah, mais seules quelques rares personnes en connaissent vraiment l’histoire. En réalité, nul ne devrait parler de Ouidah sans au préalable, mentionner le royaume qui l’a engendré : « Savi », le QG des Xwédah.
Fondé vers 1600 par « Ahoho » ou « Ahololo », chef des « Xwédah » (francisé Pédah, un groupe ethnique du sud-est du Bénin) venus d’Adja-Tado, le royaume de Savi est un ancien petit royaume de l’époque précoloniale de l’Afrique occidentale. Autrefois appelé « Saxé », le royaume des « Xwédah » qui s’étendait jusqu’à la côte (actuel Ouidah) vivait principalement de l’agriculture. La chasse et la pêche y étaient des activités secondaires. A cette époque, l’actuel Ouidah était le champ, la ferme du royaume. Le roi y avait fait construire sa résidence secondaire où il allait se reposer souvent. C’est d’ailleurs ce qui lui a valu le nom « Gléxwé », la maison du champ (« Glé » étant égal à champ et « Xwé », maison) ; nom par lequel le locuteur fon va toujours l’appeler.
Depuis sa création vers 1600 jusqu’en 1720, le petit royaume menait une vie plutôt paisible et prospère surtout grâce à sa situation géographique (la côte) et à sa tête se sont succédés déjà plusieurs rois. Les premières bases du commerce négrier se posaient tout tranquillement et à ce titre, Savi, le royaume des Xwédah était devenu un véritable ‘’business center’’. D’ailleurs, les premiers comptoirs de la traite négrière y étaient installés. Savi devient en un rien de temps, la perle rare du Golfe de Guinée et par conséquent, le territoire le plus convoité.
Le géant Danxome (francisé Dahomey) et son roi de l’époque « Agadja » (6ème roi de la dynastie des rois du Danxome, il règna de 1711 en 1740) s’y collent et réussissent à l’annexer en 1727 après avoir renversé « Houffon » (roi de Savi pendant la période de la conquête dudit royaume par Danxome). La fille d’Agadja, « Na Guézé » était à la tête du commando.
Djego Vincent de Paul alias « Se-Xwi », artiste musicien traditionnel, natif de Savi, raconte que l’installation des « Danxome-nou » (habitants de Danxome) n’a pas été une mince affaire. Il enrichit son propos en nous apprenant que les tout premiers représentants de Danxome ont été fauchés par la foudre. Il a fallu donc qu’Agadja par le biais de «Soglo», le spécialiste de la foudre de sa cour royale, fasse mettre en terre un iroko dénommé « Soloko» (Iroko de la foudre en français) après des rituels hardis. Cet arbre mystique, planté feuilles sous terre et racines en haut (sens contraire à la normale) est la formule efficace ingénieusement trouvée par Agadja pour contrer la foudre. Depuis lors à Savi, quoiqu’il se passe, la foudre n’a plus droit de cité. Soloko n’a pas bougé d’une jota de sa place initiale à ce jour et semble toujours, dans sa posture actuelle, narguer royalement dame foudre.
Danxome va alors pouvoir prendre les rênes de Savi et va permettre aux blancs (Portugais, Danois, Français, Anglais…) d’investir Gléxwé où ils ont installé leurs comptoirs fortifiés. Et c’est « Yovo-gan », le chef des blancs (« Yovo » égal à blanc et « Gan » chef), ministre des affaires étrangères de Danxome qui va conduire les opérations.
Ainsi, au fur et à mesure que les affaires florissaient, Gléxwé est devenu la capitale économique et l’endroit le plus important de Savi, le royaume des Xwédah. Il va porter plus tard le nom Xwédah. Difficile à prononcer pour les yovos (les blancs), Xwédah va subir des transformations (Juda pour les uns, Whidaw et Whidah pour les autres) ; lesquelles transformations ont débouché finalement sur « Ouidah » : le dernier nom et l’officiel, celui que le monde entier lui reconnait aujourd’hui.
Savi est situé à seulement 8km de Ouidah sur l’axe Ouidah-Allada. On peut y voir, outre Soloko ; « Bo-tin », le plus vieil arbre fétiche de la ville ; le palais royal et son roi (le chef actuel) et également la forêt sacrée « Yênuzun », lieu rituel de transit des esclaves destinés à la déportation.
Savi, le royaume des Xwédah assujetti par les « Fon » du Danxome, a fait don de son champ Gléxwé au monde qui en a fait la plaque tournante de son histoire, et la triste porte d’entrée de l’Afrique moderne dans la mondialisation des échanges… (à suivre…)