Pourquoi l’ex-chef d’Etat ne se présentera pas au second tour des élections présidentielles. Interview exclusive.
Alors que l’allié du président Kérékou, Bruno Amoussou, se présentera – seul – face au président sortant dans un match qualifié d’ » amical « , le poids lourd de l’opposition Nicéphore Soglo réitère ses appels au boycott. Pour le leader du parti » La Renaissance du Bénin « , les élections du 22 mars seraient contraires à la Constitution.
Afrik : Quelles sont les raisons profondes qui vous ont poussé à ne pas vous présenter au second tour des élections ?
Nicéphore Soglo : Nous avons préparé les élections présidentielles avec beaucoup de précautions. Nous avons rencontré toutes les catégories socioprofessionnelles de notre pays avant de prendre la décision de nous présenter. Nous savions que le peuple béninois dans sa grande majorité souhaitait le changement parce que le pays va mal. Déjà à l’ouverture des opérations électorales, il y avait eu d’énormes difficultés organisationnelles. Tout cela préfigurait la manière dont les choses allaient se passer.
J’avais rendu visite au Président de la Commission électorale nationale autonome (CENA) pour attirer son attention sur les risques de dérapage. Après le scrutin du 4 mars 2001, les dysfonctionnements relevés ont produit leurs effets : listes électorales peu fiables, fraudes massives, bureaux de vote parallèles, cartes électorales non authentiques, graves erreurs sur le nombre d’inscrits lors des proclamations successives par la Cour Constitutionnelle etc. Nous avons introduit un recours auprès de la Cour Constitutionnelle, organe de contrôle des élections, en vue de procéder aux corrections nécessaires et indispensables à la tenue d’élections crédibles. La cour a estimé que ma requête est irrecevable. J’ai donc décidé de me désister.
Afrik. : Est-ce une décision facile à prendre ? Y a-t-il un débat contradictoire au sein de votre appareil sur cette question ?
Nicéphore Soglo :Il n’a pas été facile de prendre cette décision. Ce sont les populations elles-mêmes qui ont souhaité que je me retire de la course. Mon parti et les partis alliés ont accepté de se soumettre aux décisions de la base.
Afrik. : Si Mathieu Kérékou est élu au terme du scrutin qui vient d’être reporté, quelle sera la stratégie de la Renaissance du Bénin dans les années qui viennent pour s’imposer au sein de l’échiquier politique béninois ?
Nicéphore Soglo : Le scrutin du 22 mars, s’il était organisé, serait contraire à la Constitution de mon pays. J’espère que les Institutions républicaines vont jouer leur rôle pour sauver la démocratie. En ce qui concerne mon parti, la Renaissance du Bénin, elle continuera à jouer son rôle d’animateur de la vie politique nationale et à oeuvrer pour la tenue d’élections transparentes, honnêtes et équitables, gages d’une saine démocratie.
Afrik : Vous-vous retirez des présidentielles, vous appelez vos sympathisants et vos militants à ne pas aller voter. Pensez-vous que ces consignes de boycott seront suivies ?
Nicéphore Soglo : Je ne peux pas demander aux Béninoises et aux Béninois de donner leur caution à la mascarade que le gouvernement de Mathieu Kérékou s’entête à organiser le 22 mars prochain. J’ai invité le peuple béninois à garder son sang froid, à rester calme et digne en attendant le retour à des pratiques plus conformes à l’esprit et à la lettre de notre Constitution. Quant à savoir si mes consignes seront suivies, attendons de voir.
Afrik : Si tel est le cas, Mathieu Kérékou va devoir traîner le boulet d’une légitimité contestée. Comment allez-vous tenter d’exploiter cette situation ?
Nicéphore Soglo : Mathieu Kérékou est habitué à ce genre de situation; il a gouverné dans de pareilles conditions pendant dix-sept années. Il n’y aura rien de nouveau. La seule chose, c’est que les forces démocratiques sont mieux organisées et mieux outillées que par le passé.