Bénin : le gouvernement interpellé au sujet des conditions de détention de Reckya Madougou


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Reckya Madougou
Reckya Madougou

La dernière publication de Reckya Madougou depuis sa cellule de prison à Akpro-Missérété au sujet de ses conditions de détention a suscité des réactions au Bénin. Au nombre de ces réactions, il y a celle des députés de son parti, Les Démocrates, dont sept ont adressé des questions au gouvernement sur les dénonciations faites par l’ex-ministre de la Justice.

Au Bénin, les conditions de détention décrites par Reckya Madougou dans une lettre publique en date du 5 avril 2024 ne sont pas restées sans susciter des réactions. Ce mardi, sept députés du parti Les Démocrates auquel appartient Reckya Madougou ont adressé des questions écrites au gouvernement au sujet des conditions de détention de leur camarade.

Les sept questions des sept députés du parti Les Démocrates au gouvernement

Ils sont sept signataires de la question d’actualité adressée au gouvernement de la République du Bénin. Ce document portant la signature du député Habibou Woroucoubou et six autres de ses collègues du parti Les Démocrates est en réalité une série de sept questions auxquelles le gouvernement est invité à apporter des réponses devant la représentation nationale. Il fait suite, d’une part, au refus essuyé par un groupe de députés du parti congédiés, fin mars 2024, à la prison civile d’Akpro-Missérété où ils devaient rendre visite à leur camarade Reckya Madougou. D’autre part à la lettre publiée sur les réseaux sociaux, quelques jours plus tard, par l’opposante détenue.

Tout en rappelant les droits violés de l’opposante à savoir : le « droit de visite (membres de sa famille biologique et politique, amis et proches) », le « droit de téléphoner (même à ses enfants) », le « droit à l’auscultation de médecins (médecins spécialisé et personnel) », le « droit à l’information (radio et télévision) et aux loisirs », le « droit d’appeler tous ses avocats », les sept députés signataires du texte ont formulé les sept questions suivantes à l’attention du gouvernement :

  1. Pourquoi le gouvernement du Président Patrice Talon reste-t-il sourd à la demande de libération de Madame Reckya Madougou tel que (cela a été) demandé par le GTDA (Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies, ndlr) ?
  2. Qu’est-ce qui justifie les conditions carcérales non conventionnelles infligées à Madame Rckya Madougou ?
  3. Le cadre discriminatoire desdites conditions carcérales répond à quelle réglementation ?
  4. Ces conditions carcérales sont-elles conformes à l’article 35 de notre Constitution ?
  5. Pourquoi le Président Patrice Talon choisit-il délibérément de priver Madame Reckya Madougou de la jouissance de ses droits les plus élémentaires ?
  6. Quelle est la position de Monsieur Yvon Détchénou, ministre de la Justice, sur ces conditions carcérales que subit Madame Reckya Madougou ?
  7. Le gouvernement béninois est-il fier des conditions carcérales réservées à Madame Reckya Madougou ?

Cette interpellation du gouvernement au sujet du cas Reckya Madougou n’est pas la première depuis l’installation de cette législature en février 2023. En juin de l’année dernière, le parti Les Démocrates avait déjà, par la main du député Michel Sodjinou, adressé une série de questions à l’Exécutif au sujet du maintien en détention de Reckya Madougou en dépit de l’avis rendu par le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies et les dispositions de la Constitution qui obligent le gouvernement à le faire.

L’ancienne ministre Vicentia Boco s’indigne

Avant cette nouvelle interpellation du gouvernement par les députés de l’opposition, des voix se sont élevées contre les dénonciations faites par Reckya Madougou. Parmi les réactions notées, il y a celle du professeur Vicentia Boco, ancienne présidente de l’Institut national pour la promotion de la femme (INPF) dissous en 2021 et remplacé par l’Institut national de la femme (INF). « Depuis 2 jours, je suis malade. Malade qu’on puisse refuser des soins à un détenu qu’il fût de droit commun ou politique. Je suis malade qu’on puisse refuser à une maman détenue de voir ses enfants, même de leur téléphoner », a-t-elle écrit, le 7 avril dernier.

« Le médecin que je suis, poursuit-elle, refuse d’accepter qu’un détenu puisse ne pas avoir accès à des soins adéquats. Je sais que rien n’est plus grisant que le pouvoir et la puissance que donne ce pouvoir, mais il est important de savoir faire la différence entre le droit des individus et notre besoin de faire souffrir ceux qui ne pensent pas comme nous ».

Et de s’adresser directement au Président Patrice Talon : « Les héros ne sont pas ceux qui ont été les plus méchants ou les plus violents ou les plus meurtriers. Les héros sont ceux qui ont pansé les blessures des cœurs et des âmes des hommes. Les héros sont ceux qui ont pansé les plaies, donné du pain, étanché la soif, donné la joie. Les bâtisseurs de monuments et de cathédrales sont d’illustres inconnus de l’histoire ». Finissant par cette invitation formelle adressée au chef de l’État béninois : « Excellence Monsieur le Président Patrice Talon de quel côté de l’histoire voulez-vous être ? ».

« Permettez que les conditions de détention de Mme Reckya Madougou respectent ses droits à défaut d’être adoucies. Vous serez hélas seul comptable de ce qui pourrait advenir à elle et aux autres détenus politiques. Vous méritez mieux pour votre bilan politique ».

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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