Bénin : le blues des taxis-motos Zémidjans


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Les zem
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Le gouvernement veut envoyer aux champs les taxis-motos. Un projet d’un milliard de francs CFA.

Cotonou. Nous sommes sur l’esplanade de la « Place des Martyrs », baptisée « Place du Souvenir » au lendemain de la Conférence nationale. A première vue, on croirait une vague jaune sur cette place chauffée à blanc par les rayons du soleil. Au loin, on peut entendre des éclats de rire ponctuant de vives conversations, soutenues par de grands gestes expressifs : une pause des zémidjans, vêtus d’or, après une matinée toute aussi riche en revenus qu’en informations officielles.

En majorité pourvus de diplômes dans différents secteurs professionnels, voire dans quelques filières universitaires, ils animent leurs conversations tantôt en langues nationales « fon », « goun », tantôt en français.

En fait d’information officielle, il s’agit du projet du gouvernement Kérékou visant à reconvertir dans le secteur agricole, précisément dans la filière du manioc, le parc de taxis-motos, zémidjans.

Agriculteurs malgré eux

Pour mener à bon port ce projet, une somme d’un peu plus d’un milliard de francs CFA est prévue dans le budget de l’Etat. Et déjà, dans l’opinion, on parle du milliard de zémidjans. Objectif : promouvoir une activité moins périlleuse et plus rentable aux milliers de zémidjans, tant il est vrai que le manioc en Afrique de l’Ouest, et particulièrement au Bénin, intervient dans nombre de traditions alimentaires : de différentes pâtes à base de manioc ou simplement, des tranches cuites. Mais de toutes les transformations du manioc, une seule est consommée par tous les Béninois : le « gari ». Et ce ne sont pas les zémidjans qui diraient le contraire. Vendu presque partout, même dans les grandes surfaces, le gari, proposé en grumeaux ou en grains raffinés, tient lieu de déjeuner et même de dîner lorsque bien des familles sont dans l’indigence.

Bien qu’ils ne soient pas les plus pauvres parmi les Béninois, les zémidjans s’accommodent bien du gari en milieu de journée. En cela, leurs moeurs alimentaires ne diffèrent guère de celles des ouvriers en bâtiment des différents chantiers publics.

Plus de scepticisme que d’hostilité

C’est dire que c’est à dessein qu’un tel projet est initié et devrait, à priori, emporter l’adhésion de ses destinataires. Mais aujourd’hui, force est de constater que les zémidjans voient les choses d’un mauvais oeil. En les côtoyant, il n’est pas rare de surprendre des conversations du genre : « Nous ne sommes pas fait pour les champs. De toute façon, nous aussi, nous sommes instruits et donc destinés aux emplois de bureau. »

Plus originales, les conversations qui s’engagent souvent sur l’initiative des zémidjans, dès lors que vous êtes assis à l’arrière de leurs motos. Des conversations qui, bien souvent, dérangent votre quiétude et suscitent parfois de réels agacements. Du coup, vous êtes embarrassé. En s’enfermant dans le silence, les zémidjans vous taxent très tôt de vouloir faire preuve de suffisance, voire de mépris à leur endroit.

Mais comme le sujet de conversation du moment, c’est le « milliard des zémidjans » dans la culture du manioc, cela délie les langues. Selon que les passagers embarqués soient de la majorité au pouvoir ou de l’opposition, ils sont pour ou contre ce projet du gouvernement.

Déjà sceptiques quant à l’aboutissement du projet, les zémidjans sont profondément troublés par les opinions défavorables de leurs clients. En fait, ils n’y croient pas vraiment. A deux mois des élections présidentielles au Bénin, la reconversion des zémidjans dans la filière manioc est loin d’amorcer sa phase d’expérimentation.

Fritzell Sintondji

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