Le Bénin a eu la bonne idée de libéraliser sa filière coton et de créer une interprofession qui a pris en main la gestion de la filière. Depuis, la production ne cesse d’augmenter et le Bénin est devenu 1er producteur de coton en Afrique ! Dans son article, Mauriac Ahouangansi nous donne de bonnes nouvelles sur la gestion de la filière coton au Bénin. La libéralisation a apporté une meilleure production, une augmentation des revenus, mais aussi une meilleure régulation qui a amélioré la protection des planteurs. Un bel exemple pour d’autres pays africains.
Depuis trois ans, la filière coton au Bénin ne cesse d’afficher des records de productivité, alors que les résultats des années précédentes montraient un déclin continuel. La campagne de 2018-2019 a engendré une production de 700 000 tonnes contre 597 986 tonnes en 2017-2018. Ces progrès ont désormais fait passer le Bénin de 5ème à 1er producteur en Afrique. Comment expliquer cette embellie de la filière coton au Bénin ?
Démonopolisation de la filière
Le coton est la première culture d’exportation au Bénin et bénéficie donc d’une attention particulière de la part de tous les acteurs économiques. Mais cette filière a connu une baisse drastique de résultats entre 2012 et 2016 à cause d’une trop grande ingérence des pouvoirs publics dans la production. Ainsi, les réformes de retour à la libéralisation entamées en 2016 ont réussi à inverser la tendance en s’attaquant à plusieurs racines du mal. En rendant la gestion de la filière à l’Association Interprofessionnel du Coton (AIC) composée de tous les intervenants de la filière, les retards dans la fourniture des intrants ont cessé. Cela permet donc aux producteurs de respecter le calendrier d’utilisation recommandé des intrants pour un rendement optimal. D’ailleurs, les effets immédiats de cette mesure, qui fut l’une des premières en faveur du secteur, se sont fait ressentir à travers un réveil fulgurant. De 303 320 tonnes produites en 2015-2016 avant les réformes de libéralisation, la production est passée à 451 209 tonnes au cours de la campagne 2016-2017, à 598 000 tonnes pour la campagne de 2017-2018 et à 678 000 tonnes pour la campagne de 2018-2019.
Par ailleurs, il faudrait noter l’arrêt des subventions d’Etat pour l’acquisition des intrants agricoles et le paiement de la dette de 19,7 milliards qui empêchait les acteurs de la filière d’avoir un retour sur investissement correct et de se relancer pour la campagne suivante. Sous les précédents exercices, le secteur a bénéficié de subventions d’un montant cumulé de plus de 150 milliards géré de manière peu orthodoxe, sous monopole et finalement sans résultats. En d’autres termes, la responsabilisation des acteurs privés les a incités à ce comportement et à faire des choix plus rationnels.
Redéfinition des rôles
La libéralisation de la filière du coton au Bénin a engendré une redéfinition des rôles entre l’Etat et le secteur privé. En se retirant de la filière, l’Etat béninois peut désormais jouer efficacement son rôle de régulateur. La suppression, en juillet 2016, des taxes liées aux formalités d’enregistrement des actes de mutation et de créances est une décision favorable à la promotion de l’investissement privé qui est nécessaire pour le démarrage de chaque campagne. Toujours dans la même lancée, il a été institué une contribution à la recherche agricole perçue sur les exportations de graines et de fibres de coton et des noix d’anacarde brutes, à raison de 10 FCFA par kilogramme exporté. Pendant longtemps, plusieurs producteurs agricoles sont restés hésitants vis-à-vis de la filière coton par peur des effets néfastes de la monoculture de coton sur la fertilité de leurs terres. Cette mesure est intervenue donc comme une incitation au renforcement des capacités de production et de recherches agricoles qui sont nécessaires d’ailleurs pour instaurer des pratiques agricoles durables.
Par ailleurs il a été mis en place, par le gouvernement, un vaste programme de réfection des pistes d’acheminement du coton, des champs vers les usines d’égrenage. Cela représente aujourd’hui un soulagement pour les producteurs dans la mesure où une bonne partie de leur production demeurait dans les champs à cause, soit de l’enclavement, soit de l’indisponibilité des moyens de transport pour les acheminer vers les usines d’égrenages. La réfection des pistes d’accès a donc le mérite de raccourcir le séjour des récoltes dans les champs et par conséquent, d’amoindrir le taux d’avarie. Cette mesure a d’ailleurs été complétée par la multiplication des points de récupération des cotons-graines.
Un environnement institutionnel favorable
Les progrès de l’agriculture béninoise se sont remarquablement illustrés dans la filière coton par une amélioration significative de la qualité des institutions (règles de jeu) régissant la filière. D’abord, le retour de l’AIC dans la gestion de la filière a réinstauré une coordination interprofessionnelle illustrée par exemple par une coordination des acteurs au sujet des prix d’achat du coton aux producteurs, mais également sur le prix d’achat des intrants. Cette faitière présente l’avantage de diminuer l’exposition des producteurs aux risques du marché et de garantir leur implication sur le long terme. Ensuite, la mise en place d’une méritocratie en récompensant les meilleurs producteurs est de nature à créer une émulation entre eux et d’accroitre les rendements au fil des ans.
Il faudrait noter également les efforts, quoique perfectibles, en matière d’exécution de contrat et de règlement de l’insolvabilité à travers la mise en place d’un tribunal de commerce. L’intervention de ces mesures a permis une libération des forces entrepreneuriales et d’investissement. Cela s’est d’ailleurs traduit par l’arrivée, non seulement, de nouveaux producteurs, mais également d’un nouvel égreneur au moins pour accroître la production de coton graine et les capacités d’égrenage de la filière. Enfin, le vote de la Loi 2017-15 du 10 août 2017 modifiant et complétant la Loi n° 2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en République du Bénin représente également une avance pour l’ensemble du monde agricole en ce qu’elle limite la spéculation des terres agricoles. En effet, cette loi conditionne l’achat de terre agricole à la présentation d’un plan d’affaires à partir d’une superficie de 1,9 hectare, ce qui préserve les terres agricoles.
En définitive, la trop forte ingérence de l’Etat dans la filière coton n’a pas été bénéfique et a failli même être fatale pour l’une des premières sources de revenus du pays. Grâce aux mesures de libéralisation, la filière renaît et connait ses plus beaux jours. Mais il faudrait continuer à consolider ces réussites par la professionnalisation des acteurs de la filière et la lutte contre d’éventuels abus de position dominante.
Mauriac Ahouangansi, doctorant-chercheur béninois.