Les élections législatives prévues le 28 avril prochain au Bénin s’annoncent bien antidémocratiques puisque seuls deux partis de la mouvance au pouvoir peuvent présenter des candidats. Toute l’opposition a été exclue.
Dans son article, Arthur Medele explique que ce sont d’abord les textes (code électoral et la charte des partis politiques) qui sont taillés sur mesures pour exclure les opposants. Rajoutons à cela que les documents administratifs nécessaires au dépôt des candidatures ne sont remis qu’aux deux partis de la mouvance présidentielle, il saute aux yeux que d’administration Talon se taille un pouvoir absolu inquiétant.
Le 5 mars 2019, la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) du Bénin a dévoilé la liste des deux principaux partis de la mouvance comme seuls partis retenus pour participer aux élections législatives prévues pour le 28 avril 2019. Tous les partis d’opposition sont donc recalés pour non-conformité avec les dispositions du nouveau code électoral et la charte des partis politiques, récemment entrée en vigueur. L’exclusion des partis d’opposition est-elle le fruit d’un assainissement du paysage politique ou une simple manœuvre politicienne ?
Dans les démocraties, la tenue à bonnes dates des élections est un signe du bon fonctionnement et du dynamisme des institutions. Toutefois, le nouveau code électoral et la charte des partis présentent de sérieuses entraves à des élections inclusives en amont et en aval au Bénin.
Un code électoral contesté
La caution électorale pour les Législatives a connu une augmentation fulgurante passant de 8,3 millions de Francs CFA à 249 millions, soit une augmentation de 2900 %, alors que le financement des partis politiques par l’Etat n’est pas encore une réalité. Ajouté à cela, le quitus fiscal, innovation du code électoral devant confirmer l’exemplarité vis-à-vis du fisc, n’a pas pu être délivré à tous les candidats dans le délai, surtout ceux des listes d’opposition. En revanche, cette pièce incontournable a pu être délivrée à tous les candidats des deux principales listes se réclamant de la mouvance majoritaire, ce qui suscite des interrogations légitimes sur le traitement impartial des requêtes par l’administration fiscale.
Par ailleurs, en aval du scrutin, le mode de distribution des sièges est également une entrave à l’inclusion politique. Si l’on s’en tient à l’article 242 du code électoral, malgré l’obtention des voix nécessaires pour avoir des sièges au Parlement, les listes ne pourraient valider ces sièges que si elles obtenaient 10% du suffrage national. Une disposition qui compromet fortement la diversité politique. Cette proposition de code électoral ne représente pas le seul obstacle pour des élections inclusives.
Une charte des partis instrumentalisée
Dans l’objectif annoncé par le gouvernement Talon, celui d’assainir le paysage politique et de le renouveler, la charte des partis politiques, votée le 17 septembre 2018, a quelque peu durci les conditions de création d’un parti politique. Alors que les dispositions de l’ancienne charte ne réclamaient que 15 membres par département pour la création d’un parti, le nouveau code en réclame 15 par commune. Cette disposition a priori censée aboutir à la création de grands partis nationaux, a été instrumentalisée par le gouvernement Talon. En effet, par la décision EL 19-001 du 1er février 2019, la Cour constitutionnelle a exigé la production par tous les partis du « certificat de conformité » à la nouvelle charte des partis. Cette nouvelle pièce, qui constitue une réforme du processus électoral à moins de 3 mois du scrutin, n’a pu être délivrée à aucun parti d’opposition et viole d’ailleurs une loi et un protocole ratifié par le Bénin. La première violation est celle du protocole A/SP1/12/01 de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance, ratifié par le Bénin qui prescrit en son article 2.1 qu’ « aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques ».
La deuxième violation est celle de la nouvelle charte des partis politiques qui donne un délai de mise en conformité de 6 mois aux anciens partis. Un délai qui va au-delà de la date de dépôt des candidatures. Au regard de ces deux violations, l’exclusion du jeu électoral des partis politiques, pour absence de certificat de conformité, se révèle anticonstitutionnelle puisqu’ils restent légaux pendant le délai de mise en conformité toujours en cours au moment du dépôt.
La tentation autoritariste de Talon
Par les différentes règles superflues imposées par la mouvance et insurmontables à l’opposition, la mouvance affiche une volonté manifeste de biaiser la compétition et d’accroître sa chance de contrôler le Parlement au mépris des règles en vigueur. Une stratégie qui correspond à la conception de la compétition de l’actuel Président qui déclarait dans une émission, en 2016, «… ce qui permet à un Président d’être réélu avec assurance, ce qui assure la réélection d’un Président, ce n’est pas son mandat, pas son résultat, c’est la manière dont il tient les grands électeurs, c’est la manière dont il tient tout le monde, c’est la manière dont personne n’est capable de lui tenir tête, d’être compétiteur contre lui. Quand vous n’avez pas de compétiteur, vous aurez beau être mauvais, vous serez réélu ». Dans le même ordre d’idée, rappelons que Talon n’a pas oublié son revers suite au rejet par les parlementaires de la minorité du projet de révision constitutionnelle, il y a près de deux ans. Avec l’exclusion de l’opposition des Législatives, il aura une nouvelle Assemblée toute acquise à sa cause.
Enfin, plusieurs cadres politico-administratifs impliqués dans le processus électoral sont d’une part, membres des partis politiques concernés par le processus et d’autre part candidats. Selon l’article 19 de la charte des partis politiques, « Dans un délai qui ne peut excéder deux (02) mois, le ministre chargé de l’Intérieur fait procéder à toute étude utile, à toute recherche et à toute enquête nécessaires au contrôle de conformité à la loi, du dossier de déclaration administrative de constitution », or, Sacca Lafia, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique est également vice-président de l’Union Progressiste, l’un des partis de la mouvance à qui le certificat de conformité a été délivré dans les délais. Comme d’autres, ce ministre au gouvernement se retrouve donc juge et partie dans le processus électoral, ce qui n’est pas de nature à en garantir l’impartialité.
A l’analyse, il apparaît que l’exclusion des partis d’opposition est le fait d’une utilisation partisane des lois et de la volonté affichée des partis de la mouvance de les écarter. Mais il serait judicieux pour le déroulement des élections et pour décrisper la tension, que les négociations en cours aboutissent à de vrais consensus autour des règles équitables devant régir les prochaines élections législatives.
Arthur Medele, activiste béninois.
Article publié en collaboration avec Libre Afrique