Bénin : fêtes de fin d’année entre morosité et inflation


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Le marché Ouando, à Porto-Novo
Le marché Ouando, à Porto-Novo

À Porto-Novo, Cotonou comme partout ailleurs au Bénin et dans le monde, le temps est à la fête : la fête de la Nativité et celle du nouvel An. Si dans les marchés, l’affluence plus grande que d’ordinaire démontre que quelque chose se prépare, cela cache mal les difficultés réelles des populations. Difficultés dues à la hausse des prix des denrées de première nécessité depuis quelques semaines.

Mardi 24 décembre 2024. Dans quelques heures, la fête de Noël sera célébrée partout dans le monde. Les habitants de Porto-Novo ne seront pas en reste. Dans la ville-capitale du Bénin, on se prépare. Vaille que vaille. Sur les abords des rues, on peut déjà apercevoir quelques cages – elles sont beaucoup moins nombreuses que par le passé où on en voyait à tous les coins de rue – exposant les gallinacés destinés à garnir les plats de réjouissance pour Noël et le Nouvel An. Dans les principaux marchés de la ville – Grand marché, marché Ahouangbo, marché Ouando, l’affluence est plus importante que d’habitude.

Tout le monde s’affaire. Les fêtes sont là. Et il faut bien fêter, malgré l’impécuniosité et la morosité ambiante. Dans le brouhaha du marché Ouando, Marcelline sort d’une poissonnerie avec quelques kilos de viande dans un sac. Nous l’abordons : « Madame, la fête s’annonce belle chez vous… ». Après un grand soupir, la jeune dame, la quarantaine, nous confie : « On va faire comment ? Les enfants doivent fêter, malgré tout. Ce n’est pas du tout facile. Et c’est comme si la situation évolue de mal en pis depuis quelques années ».

Une hausse vertigineuse des prix des denrées alimentaires

Vivant dans le pays, nous comprenons bien les propos de la jeune dame. Ces dernières semaines, la hausse des prix de certains produits est à l’ordre du jour dans toutes les discussions. L’exemple anecdotique est celui de l’huile d’arachide dont le prix est passé du simple au double. À Porto-Novo, Cotonou et autres villes du sud Bénin, il faut débourser 1 700 F CFA au moins pour se procurer un litre d’huile contre 900 F CFA il y avait encore quelques semaines. Le prix était même monté jusqu’à 1 900 F/2 000 F avant de retomber à 1 700 F. L’oignon et tous les condiments coûtent les yeux de la tête. La quantité d’oignons qui pouvait s’acquérir il y avait quelques semaines à 200 F CFA s’achète aujourd’hui au minimum à 500 F CFA. Même chose pour l’ail, le gingembre et d’autres condiments.

Dans ces conditions, la situation est difficilement vivable pour des populations dont les revenus n’augmentent pas aussi rapidement. On comprend la mévente ambiante chez les vendeurs de tissus, pagnes et autres. Aziz est un vendeur grossiste au marché de Missèbo, une extension du grand marché de Dantokpa à Cotonou. Cette fin d’année, il a décidé de liquider tout son stock de marchandises. S’il est vrai que la fin d’année est en général une période de liquidation des stocks invendus par ces commerçants, ce que fait Aziz va au-delà de cette liquidation bien connue. Il veut vider tout son stock, fermer baraque et retourner chez lui au Pakistan. La raison de cette décision radicale est toute simple : une mévente qui atteint des sommaires jamais atteints jusque-là.

Une terrible mévente pour certains

Dans presque toutes les boutiques de vente de tissus que nous avons parcourues à Porto-Novo, la situation est semblable. Ce n’est pas la grande affluence habituelle des périodes de fêtes. Les tenanciers des boutiques passent le plus clair de leur temps à humer l’air et à penser au bon vieux temps. « Ce à quoi on assiste cette année, c’est presque du jamais vu. Il est vrai que depuis quelques années, les ventes ont globalement baissé. Mais cette année, nous ne comprenons plus rien. J’appelle une action salvatrice de la part de nos dirigeants », nous a confié Souliath, tenancière d’une boutique de vente de tissus à Porto-Novo.

Seuls les vendeurs de denrées alimentaires enregistrent des ventes, malgré tout. Puisque tout le monde est quand même obligé de manger. Pour les pagnes et autres tissus, ça peut attendre. Seuls quelques privilégiés peuvent se permettre de s’offrir ces plaisirs par ces temps qui courent. « Malgré tout, la fête aura lieu », lance, optimiste, Roger, frigoriste affairé à nettoyer un congélateur qu’il vient de réparer et qu’il doit livrer à son client aujourd’hui même.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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