Bénin, Dernier discours sur l’état de la nation : Patrice Talon satisfait de son mandat


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Le président de la République du Bénin, Patrice Talon
Le président de la République du Bénin, Patrice Talon

Ce mardi 29 décembre 2020, le Président béninois, Patrice Talon, a sacrifié, pour la cinquième et dernière fois de son mandat, à la tradition du discours sur l’état de la nation. Le premier citoyen du Bénin a fait de l’opportunité une occasion pour dresser « un bilan élogieux » de son mandat à la tête de l’Etat.

La représentation nationale du Bénin a reçu, ce mardi à Porto-Novo, la capitale du Bénin, le président de la République, Patrice Talon, pour son traditionnel discours sur l’état de la nation tenu en fin d’année. Pour ce cinquième rendez-vous devant le Parlement, le dernier de son quinquennat, le chef de l’Etat s’est adonné à un exercice-bilan ; bilan dont il tire lui-même pleine satisfaction, un peu comme ce proverbe ibo rapporté par Chinua Achebe dans son roman Le monde s’effondre : « Le lézard qui a bondi du grand arbre iroko à terre disait qu’il chanterait ses propres louanges si personne ne le faisait ».

« En dépit de la pandémie du Covid-19 qui n’a épargné aucun pays, mon sentiment est que le Bénin va plutôt bien, même si nous devons poursuivre nos efforts en vue de satisfaire l’essentiel de nos besoins de base. Quand on a été très mal et qu’on commence à aller mieux, avec la certitude d’aller bientôt très bien, n’est-il pas de bon ton d’affirmer qu’on va déjà bien ? », a lancé le chef de l’Etat béninois pour planter le décor. « Dans tous les domaines, le Bénin tient désormais le bon bout », a-t-il ajouté.

Patrice Talon parle de l’unité nationale et de la question des libertés

Dans son discours, le Président béninois reconnaît qu’à certains moments, le pays a connu des tensions. Il fait sans doute allusion aux périodes chaudes qui ont succédé aux élections législatives de 2019. Mais il met en relief la capacité des Béninois à toujours surmonter les divergences pour donner la priorité à l’unité nationale. « L’unité nationale, notre unité, qui nous caractérise depuis fort longtemps déjà, demeure aujourd’hui encore un acquis intangible qui nous permet de préserver la paix et de rétablir très vite notre concorde, quand il nous arrive par moment de nous chamailler », a déclaré Patrice Talon.

Au sujet des restrictions des libertés dont on accuse très souvent son régime, le chantre de la rupture répond : « Nos libertés fondamentales, compatibles avec notre vie en communauté et notre développement demeurent, elles aussi, intangibles même si nous avons dû, pour l’intérêt général, renoncer à certaines de nos faiblesses que nous confondions avec la liberté ».
Pour lui, la démocratie béninoise se porte plus que jamais mieux : « Le constat est de la même portée en ce qui concerne notre démocratie qui, expurgée de ses travers, nous permet désormais de ne plus laisser une minorité initiée et privilégiée, prendre en otage tout le peuple innocent et mal informé », martèle-t-il.

La satisfaction des besoins des populations en eau potable et en énergie

Du bilan qu’il dresse de son mandat, Patrice Talon fait observer que les cinq ans qu’il a passés à la tête du pays ont permis de franchir de grands pas en matière de satisfaction des besoins des populations en eau potable et en énergie. C’est alors avec fierté qu’il affirme : « L’eau potable est désormais à la portée de deux Béninois sur trois, sachant qu’avec la dynamique en cours dans ce secteur, la quasi-totalité de nos compatriotes disposera de ce bien élémentaire avant la fin de votre mandat, Monsieur le président (le président de l’Assemblée nationale, ndlr) ».

Et d’ajouter, au sujet de l’énergie électrique : « À l’instant où je vous parle, notre pays produit par lui-même, la moitié de nos besoins actuels (en énergie électrique, ndlr) et sera totalement autosuffisant d’ici 18 mois ». Même si « la qualité et la stabilité du courant électrique présentement distribué laissent encore à désirer en raison du sous-dimensionnement et de la vétusté du réseau de distribution », tempère le chef de l’Etat.

« S’agissant des liaisons routières… notre patrimoine a atteint un niveau d’envergure qui nous émerveille nous-mêmes »

L’autre chantier sur lequel l’action du régime actuel est visible aux yeux de tous les Béninois et que Patrice Talon n’a pas occulté dans ce discours est bien celui des infrastructures routières. « Le rythme et la qualité des travaux en ce qui concerne aussi bien les routes revêtues que les routes en terre et les pistes rurales, permettent désormais à chacun d’avoir la certitude qu’il verra de ses yeux ce qui lui paraissait, il y a peu, comme un luxe lointain, voire improbable », a fièrement déclaré le Président.
Au-delà des routes, le premier citoyen béninois a attiré l’attention sur les « infrastructures administratives, marchandes, socioculturelles et sportives » dont le pays se dote à un rythme satisfaisant.

Au plan purement économique

Dans les sous-secteurs de l’agriculture, de l’industrie, du commerce, du tourisme, de l’artisanat…, le président de la République se satisfait de la « la tendance remarquablement haussière et résiliente », dans un environnement économique propice à l’investissement national et international créateur de richesses et d’emplois.

Mais tout n’est pas rose

Malgré ces réalisations, tout n’est pas encore à l’endroit, à en croire le Président Talon lui-même. Au plan sanitaire par exemple, l’apôtre de la rupture reconnaît que les fruits ne tiennent pas encore la promesse des fleurs et exhorte ses compatriotes à la patience : « Au plan sanitaire, notre indice de satisfaction demeure faible, même si le personnel dédié est désormais plus disponible. Il nous faudra encore patienter quelques temps pour constater les effets de nos efforts », a-t-il laissé entendre.
Même chose dans la fourniture d’Internet et des services téléphoniques où la qualité n’a pas encore atteint le niveau idéal. Ici, le Président Patrice Talon donne rendez-vous aux Béninois en 2023  pour sentir les effets des actions massives qui sont mises en œuvre dans ces secteurs. Une façon pour le chef de l’Etat d’annoncer son intention de rempiler ? Même si tous les indices convergent vers cela, l’homme n’a pas encore officiellement avisé.

Le discours n’a pas éludé la question cruciale de l’éducation dont le chef de l’Etat peint les maux en ces termes : « Dans le secteur éducatif, notre situation demeure globalement préoccupante. Même si le taux de scolarisation de nos enfants paraît de plus en plus satisfaisant, la couverture de nos besoins en infrastructures et surtout en enseignants demeure insuffisante à tous les niveaux. Mais notre faiblesse la plus préoccupante dans ce secteur vital pour notre présent et surtout pour notre avenir, est d’ordre structurel », insiste-t-il, avant de poursuivre : « Notre système éducatif forme la plupart de nos enfants au chômage et n’offre pas à notre économie la main-d’œuvre qualifiée dont elle a besoin pour se développer et créer de la richesse ».

C’est pourquoi, « il urge de remédier à cela en remplaçant la majorité de nos établissements secondaires et universitaires actuels par des collèges, des lycées et des écoles supérieures techniques et professionnels », propose le président de la République qui rassure que « cette réforme est déjà engagée », et « sera bientôt popularisée ».
La résorption du chômage demeure une préoccupation majeure du chef de l’Etat béninois qui admet que « le taux de chômage reste élevé malgré le grand nombre d’emplois créés dans notre pays, ces dernières années, aussi bien dans le secteur public que privé ».
Mais tout n’est pas perdu, puisque « l’espoir du plein emploi est désormais permis à moyen terme, en raison de notre nouvelle dynamique globale et surtout de notre nouvelle vision éducative », à en croire Patrice Talon.

Beaucoup de réformes mises en œuvre

Mais au-delà de tout, le Président béninois se félicite des nombreuses réformes mises en œuvre dans les domaines politique, administratif, de la gouvernance ; des actions entreprises dans le cadre de la lutte contre la corruption, l’impunité, la dilapidation des ressources publiques, toutes choses qui, selon les mots de Patrice Talon, ont permis d’insuffler aux Béninois en général, un « nouvel état d’esprit ».

La prochaine étape importante pour mettre à l’épreuve ce nouvel état d’esprit et les réformes engagées dans le système partisan demeure l’élection présidentielle d’avril 2021. La préoccupation de tous les Béninois, à l’heure actuelle, étant de savoir si cette élection, à la différence des Législatives de 2019, sera inclusive, le Président Patrice Talon déclare : « je ne doute pas que nos compatriotes auront le choix entre plusieurs projets de société. Ce sera alors la fête de la démocratie, plus que jamais au service du développement durable de notre cher pays ».
Sur ce point, tous les Béninois attendent fermement le chef de l’Etat, et il le sait. Respectera-t-il cette promesse faite publiquement ce 29 décembre 2020 ? Le temps nous le dira.

Continuant d’égrener le chapelet des accomplissements de son régime, Patrice Talon insiste sur le changement de catégorie du Bénin qui, pour la première fois de son histoire, entre dans le groupe des pays à revenu intermédiaire en 2020. Preuve « que les progrès qui ont été possibles ailleurs le sont également sur ses terres », déduit-il.
Alors, il y a bien de quoi conclure ce discours sur l’état de la nation en ces termes : « C’est cette certitude que notre pays est irréversiblement sur la voie du développement, cette certitude de renaissance, que je souhaitais partager avec vous ainsi qu’avec l’ensemble de nos compatriotes en cette fin d’année 2020 ».

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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