Yves Ogan, directeur du service de la législation de l’Assemblée nationale béninoise a été limogé de son poste, ce mardi 5 janvier 2021. A la suite de ses commentaires sur la nocivité du franc CFA à l’économie des pays utilisateurs de cette monnaie. De quoi se poser des questions sur l’indépendance réelle de nos Etats.
A quelques jours de la tenue d’une séance parlementaire portant question orale avec débat au gouvernement sur le franc CFA et l’Eco, sujet sur lequel les députés ont voulu connaître la version officielle de l’exécutif en rapport avec les faits relatifs à « la fin prochaine du franc CFA pour les huit pays de l’UEMOA », le directeur du service législatif de l’Assemblée nationale du Bénin a accordé une interview sur ledit sujet à une chaîne de télévision de la place. Au cours de ladite interview, l’homme a démontré, avec force, le rôle du franc CFA dans la paupérisation des populations des pays utilisateurs de cette monnaie. De l’analyse de Yves Ogan, il ressort clairement que le combat contre le franc CFA est un combat légitime.
« C’est un véritable problème, le franc CFA, un véritable problème pour le Bénin et tous les pays francophones. Car il est structuré de sorte que nous sommes assujettis à une domination de la France », lâche-t-il, avant de poursuivre : « Les décisions prises au sein de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest doivent être soumises au ministère français des Finances avant leur approbation. Ce sont de petites choses qui ne n’apparaissent pas dans les textes, mais des pratiques qui montrent à souhait que la France a installé un système depuis 1945, depuis la création du franc CFA, de cette monnaie qui est leur émanation, qui est leur création (…). Cette façon de faire qui consiste à mettre la main sur notre économie pour perpétuer une certaine domination doit être remise en cause ».
Des propos très courageux qui entrent dans la mouvance de la lutte anti-franc CFA portée par des activistes de la jeune génération dont Kemi Séba. Seulement voilà ! Le lundi 4 janvier 2021, soit quelques jours après cette sortie médiatique, le directeur de Cabinet du président de l’Assemblée nationale, avec à ses côtés les principaux responsables de l’appareil administratif de l’Assemblée nationale, a donné un point de presse au cours duquel il a martelé que le Parlement béninois se démarquait totalement des commentaires de Yves Ogan au sujet du franc CFA. Au lendemain de ce point de presse, c’est-à-dire le 5 janvier 2021, le directeur du service de la législation est relevé de ses fonctions et remplacé immédiatement.
Que faut-il comprendre de ce limogeage de Me Yves Ogan ? Devrait-on limoger ainsi un cadre de la République qui opine sur des questions sensibles relatives à la souveraineté, à l’indépendance de son pays, voire de son continent ? Est-ce que parce qu’on occupe un poste de responsabilité dans l’appareillage administratif du pays, on doit se taire comme une carpe et se soustraire à toute réflexion sérieuse sur les questions d’indépendance de son pays ? Va-t-on dire que l’avocat a violé les règles de l’obligation de réserve ? Non, puisqu’il n’a trahi aucun secret. Quelle image l’Assemblée nationale veut-elle ainsi projeter du Bénin dans le concert des nations africaines ? Celle d’une caisse de résonance de la France ? Il semble bien que oui.
Dans tous les cas, la majorité de la jeunesse béninoise et africaine se retrouve entièrement dans l’analyse faite par Me Ismael Yves Ogan qui laisse l’image d’un cadre courageux, indépendant d’esprit et sensible aux questions sérieuses de souveraineté de son pays et de son continent. Une sorte de modèle à promouvoir et non à bannir.