Aux temps anciens, l’une des formules très efficaces pour ramener la paix dans son couple au Dahomey, c’est la déclamation du « Akô », (panégyrique clanique en français) à l’époux fâché. Véritable alevinier de l’identité socio-culturelle béninoise voire africaine, le panégyrique clanique est un récit ou un texte oral, une série de paroles à caractère laudatif qui retrace les origines ainsi que les hauts faits d’une ethnie, d’un clan. C’est une grande source d’informations pour remonter aux origines d’un groupe socio-culturel.
Une virée dans l’histoire nous permet de situer la genèse du mot ‘’panégyrique’’ à la civilisation latino-grecque. Chez les grecs en effet, il y avait un grand jubilée qui rassemblait les habitants d’une région dans un sanctuaire ou une place publique et pendant laquelle étaient prononcés publiquement des discours élogieux dénommés « panégurikos ». Chez les Romains, le « panégyrieus » obéissait au même principe que chez les Grecs.
En Afrique cependant, les panégyriques claniques, loin d’être de longs discours écrits et lus en public et parfois ennuyeux, bien que similaires dans le fond avec leurs homologues antiques, présentent des caractéristiques bien particulières.
D’aucuns disent que les « Akô » tels qu’ils se présentent en Afrique n’existent pas ailleurs. D’ailleurs selon le professeur titulaire d’histoire Félix Iroko, les panégyriques claniques constituent une création exclusivement africaine. « Ils n’existent pas en Europe, c’est purement africain, c’est donc une dimension importante de nos cultures parce que c’est en même temps une marque identitaire. On s’identifie à travers les panégyriques. Ils permettent de situer chacun, non pas seulement dans son milieu, mais aussi dans son ethnie, et dans l’histoire connue par cette famille… ».
Ahantun, Ananu, Ayato, Jêto, Gbéto, Hwègbonu, etc. sont là, quelques noms de clans du sud Bénin. La déclamation du panégyrique part toujours du nom du clan. Paroles louangeuses bienfaisantes, au Bénin, déclamer le « Akô » de quelqu’un, c’est lui témoigner de la considération, du respect. C’est la preuve que vous le connaissez fort bien, tant individuellement que dans son milieu familial et collectif.
Dans une interview accordée au web média ‘’Bénin Intelligent’’ en 2019, M. Gbèlian Mahougbé Chidiaque Guézo, enseignant de lettres en lycées et collèges, explique : « Les panégyriques claniques sont mélodieux et bons à l’ouïe. Ils relèvent de la littérature orale et sont d’une beauté langagière insoupçonnée. C’est le bel usage du langage non écrit ou de la parole pour montrer la magnificence ou les valeurs d’une personne. C’est de petits poèmes qui exploitent des ingrédients littéraires à savoir les images, allégories, les figures de styles ».
A tout point de vue, les panégyriques claniques sont une mine d’or, de vraies valeurs culturelles et identitaires transmises des générations des ancêtres jusqu’à la veille des temps nouveaux ; temps au cours desquels elles subissent un abandon partiel ou total selon les régions faute à l’ignorance, à l’oubli, à la mondialisation, malgré leur portée littéraire et surtout identitaire.
Panégyrique clanique des Hwεgbonù ou Sadonù (Traduction)
Hwεgbo, originaire de Géyͻ
Originaire de Alada-Tado
L’on ne se rend pas à Sado volontairement
Les larmes inondent les yeux
Sado, spécialiste de l’arrachement de pagne
Toi qui offres brutalement un cadeau
Et qui arraches brutalement le cadeau
Fille/fils de la panthère semblable à la panthère
L’enfant de la panthère, un fils souple mais il a les os durs
Le kapokier endurci brise l’abreuvoir du porc
Akpaɖεnu ne sert pas à préparer crincrin
A venin abondant, la viscosité abondante
C’est peu à peu que le champ devient vaste
Fils/fille engendré et qui ne fait pas l’objet de réprimande
Fils/fille non réprimandé
Qui agit avec des propos arrogants
Fils de la divinité Agasù
Gboxlogbo
Lεgεdε envahit les gens
Quand la brousse regorge de foins, l’animal ne mange pas la feuille
Logozocomε
Casseur d’awaya
Casseur de grande montagne
Tu ligotes une montagne
Et tu vas casser Asanté à midi
Tu mets tes parentés mal à l’aise
Agasu qui fait tout prudemment
On l’appelle peureux
Agasu propriétaire de la grande jarre
Il met du caillou dans sa jarre
Si cela se casse tant pis
Si cela ne se casse pas tant mieux
Poule mère méchante
Tu frappes pour autrui à mort
Nous nous prosternons !
Nous nous prosternons !
Nous nous prosternons Geyͻnu ! »
(Tiré de SALANON, Bienvenu, et al. « Origine, rituels, interdits et litanie des Hwԑgbo-Géyͻnù ou Sado Avͻxonù », préface d’Aurelien Agbénonci, Tome 1, 55 à 57)